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Philippe Jordan dirige la Messe en si mineur à l’Opéra Bastille - Un chœur en hiver – Compte rendu

Monument de la musique sacrée, la Messe en si de Bach vient assez naturellement prolonger le travail réalisé par Philippe Jordan et José Luis Basso sur Moses und Aron puis sur les Gurrelieder de Schönberg, donnés la saison dernière à la Bastille et à la Philharmonie. Le chœur occupe en effet une place de choix dans cette œuvre testamentaire, intervenant en permanence en l'absence de narrateur et de grandes parties solistes, à la différence des Passions. Avec son calme habituel et la détermination qui caractérise sa direction, Philippe Jordan surprend dans ce répertoire qu'il avoue affectionner, mais dans lequel il se fait rare. Grave et solennelle, profonde et habitée, sa lecture est comme toujours maîtrisée, fruit d'une réflexion fouillée, qui vise à rendre claire et homogène un agrégat de pièces et de cantates qui combinent des techniques et des savoirs musicaux extrêmement complexes. Jouant avec les textures, les couleurs et les tonalités qui apportent à chaque partie son climat propre, veillant à souligner les articulations et à rendre perceptible les attaques, son discours parvient à dégager une cohérence qui permet de saisir avec une infinie variété de sentiments, la foi qui anime l'âme du compositeur. 

Philippe Jordan © Philippe Gontier / Opéra national de Paris
 
Si l'Orchestre se laisse admirer, le Chœur de l’Opéra National de Paris (photo) triomphe, donnant l'impression de repousser plus loin encore les limites du travail déjà fourni lors des représentations de Moses und Aron. L'homogénéité des  registres, l’intensité des accents notamment pendant le long Credo de la seconde partie, seulement interrompu par le duo soprano/mezzo Et in unum Deum  et le solo de la basse Et in spiritum Sanctus, font vite oublier la funèbre tonalité introductive de si mineur, pour célébrer de manière plus solaire le rite catholique.
Bien qu'il occupe une place réduite dans la Messe en si, d’abord dédiée au chœur, le quatuor vocal tente de tirer son épingle du jeu : la soprano Genia Kühmeier déploie son timbre ailé et cristallin dans le Christe eleison, puis dans le Domine Deus partageant l'affiche avec la belle voix sombre de mezzo dispensée par Elisabeth Kulman, très économe dans le style comme dans l'interprétation, mais dont la sobriété et le dépouillement illuminent l'Agnus Dei et avec elle du ténor Pavol Breslik. Dommage que ce dernier n'ait pu éviter l'accident pendant le Benedictus, son aigu s'avérant rebelle. Les interventions de Günther Groissböck n'appellent aucune réserve, la voix de la basse se pliant avec facilité à l'écriture délicatement ouvragée du Cantor.
 
François Lesueur

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Paris, Opéra Bastille, 14 février 2017

Photo Chœur de l'Opéra de Paris © Christian Leiber / Opéra national de Paris

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