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Pelléas et Mélisande à l’Opéra Royal de Wallonie/Liège – Le Royaume d’inframonde – Compte-rendu
Eaux mortes, racines et château suspendu dans le ciel ; c’est dans un espace intermédiaire entre le monde des morts et celui des vivants que le tandem Barbe et Doucet projette le drame. Des fantômes hantent l’avant-scène et le docteur a un faux air d’Allan Kardec. Ces références à l’univers du spiritisme, en vogue dans les années 1900, guident une lecture également nourrie de Böcklin et d’Art Nouveau, comme cette massive statue de femme couchée dont les cheveux racines attachent Golaud au souvenir de sa précédente épouse. Mais une direction d’acteurs désuète et des détails pas toujours heureux (malséantes perruques blondasses pour les rôles masculins, tresse interminable pour Mélisande vêtue comme une Traviata couleur yaourt) empêchent d’adhérer pleinement. Éric Ruf (en ce moment au Capitole de Toulouse) et Benjamin Lazar ont offert deux propositions bien plus travaillées.
Lionel Lohte ( Pelléas) et Nina Mim
Pierre Dumoussaud, déjà applaudi à Rouen en 2021 (mais en streaming, Covid obligeait) accomplit des merveilles dans une partition qui ne tolère pas l’indélicatesse. Les cordes écorchent l’âme lorsque Golaud humilie son épouse. Le second duo d’amour Pelléas/Mélisande est d’une ivresse pétrie d’inquiétude. L’Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège démontre à nouveau l’excellence de ses pupitres, notamment les vents, que la fosse, assez petite, met en relief.
Inho Jeong (Arkel) © J. Berger - ORW
Alexandre Duhamel se glisse sans trop de peine dans le rôle du jaloux bienveillant, mais rien qui ne fasse oublier Nicolas Courjal et Kyle Ketelsen, les deux meilleurs Golaud de ces dernières années. Remarque qu'il convient de nuancer : le baryton a remplacé Simon Keenlyside, souffrant, à la dernière minute et découvre la production ... en cours de représentation. Judith Fa, comme Duhamel ou L’Yniold de Marion Lebègue, a pour elle une diction claire, ne requérant pas qu’on lève le regard vers le surtitrage. Ce n’est guère le cas pour l’Arkel d’Inho Jeong, basse abyssale. On fera le même reproche à la Mélisande de Nina Ninasyan dont le bel instrument ne correspond pas au rôle. Elle forme, avec son comparse Lionel Lhote, un couple incongru qui chante Debussy sans finesse prosodique, confondant Roméo et Juliette et le style singulier voulu par Debussy, davantage proche de la mélodie, voire héritier de Gluck et Rameau. Le livret de Maeterlinck, le plus poétique de tout le répertoire lyrique, ne souffre pas d’être servi en marmelade.
Vincent Borel
Debussy : Pelléas et Mélisande – Liège, Opéra Royal de Wallonie, 18 avril ; prochaines représentations les 20 & 23 avril 2024 // www.operaliege.be/evenement/pelleas-et-melisande-2024/
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Photo © J. Berger - ORW
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