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Paris - Compte-rendu - Le Mozart habité de Sandrine Piau


Créé à l'origine pour jouer le répertoire contemporain, l'Orchestre Philharmonique de Radio France a vite emprunté des chemins de traverse le conduisant parfois à concurrencer son aîné l'Orchestre National de France. L'autre soir, on l'avait confié au chef hollandais Ton Koopman, l'un des maîtres de la musique baroque. Un exercice de style donc en forme de haute école viennoise. Quoi de plus indiqué en effet pour remettre les pendules à l'heure qu'une cure de Haydn ? Maître du rythme et de la transparence des timbres, il ne laisse rien passer.

L'efficacité de ces séances de « décrassage » a pour contrepartie la mise en évidence des moindres faiblesses. Si vous réduisez la phalange à la dimension d'une formation Mozart d'une petite quarantaine de musiciens, chacun d'eux n'en est que plus exposé. On eut parfois la fâcheuse impression d'être admis dans la cuisine du maître-queue, surtout dans l'acoustique impitoyable de l'auditorium de la Cité de la musique. C'est ainsi qu'on entendait plus l'effort du travail que la liberté de la musique dans la 97e Symphonie de Haydn et la « Jupiter » de Mozart.

La douceur de la soirée, ce fut la voix de miel de Sandrine Piau venue roucouler des airs de jeunesse et d'extrême maturité de Mozart. Celui-ci n'a que dix-sept ans, en effet, lorsqu'il écrit le célébrissime Motet « Exultate, Jubilate ». La souplesse aérienne du soprano de Sandrine Piau y fait merveille. D'autant que Wolfgang y témoigne moins d'un sentiment de profonde piété que de la volonté de mettre en valeur son interprète.
Donné à la suite, l'air de désespoir de Pamina dans La Flûte enchantée composée à quelques mois de sa mort, se pare à l'inverse de couleurs sombres aux confins du mysticisme. Avec autant d'à propos que de maestria, Sandrine Piau choisira de donner en bis une autre pièce de jeunesse, l'air de fureur de Mitridate. Celui-ci ramènera le public à la jubilation du Motet initial tout en le persuadant que le génial dramaturge de la musique était déjà tout entier dans ce premier opera seria composé à ... quatorze ans.

Jacques Doucelin

Cité de la Musique, 7 novembre 2008

Programme détaillé de la Cité de la musique

Photo : DR

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