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Orlando paladino au Châtelet - Affectueux irrespect - Compte-rendu
On attendait le grand-duc et la grande-duchesse de Russie en 1782 au château d’Esterhaza et, pour l’occasion le maître des lieux, Nicolas « Le Magnifique », avait commandé à Haydn Orlando paladino. Ils renoncèrent finalement à leur venue et la création de l’opéra attendit la fête du prince au début du mois de décembre. Les invités n’avaient pas manqué la plus impérissable partition de l’histoire lyrique, même si l’ouvrage héroïco-comique du maître autrichien comporte de délicieux moments qui justifient qu’on s’y intéresse. Mais - certains haydniens fervents s’offusqueront peut-être - la postérité n’est pas si mauvaise fille qu’on le prétend parfois : La Flûte enchantée est La Flûte enchantée, Orlando paladino n’est qu’Orlando paladino.
Dans ces conditions, il importe de trouver les moyens de faire vivre scéniquement une partition qui requiert un surpuissant cocktail de vitamines plus que la lumière de la bougie. Jean-Luc Choplin a eu l’excellente idée de réunir le metteur en scène et chorégraphe Kamel Ouali et le plasticien Nicolas Buffe. Leur tandem (trio vaut-il mieux dire car Renaud Corler signe de superbes lumières) a su trouver une recette particulièrement efficace pour une production qui revendique « un irrespect plein d’affection et d’admiration » envers l’ouvrage de Haydn. L’option est clairement affichée et surtout assumée de bout en bout avec un sacré talent. Le résultat peut surprendre mais vaut tellement mieux que la morne prétention qui passe pour de l’originalité et de la profondeur dans beaucoup d’entreprises lyriques.
N. Buffe est allé chercher du côté des mangas, des jeux vidéo aussi bien que de Star Wars ou de l’opéra baroque français les ingrédients visuels de cet Orlando paladino. Allié à l’imagination bondissante de K. Ouali et à ses chorégraphies d’une asymétrie toute baroque (s’y ajoutent les acrobaties de la Compagnie des Farfadais), son travail tire parti de l’hétérogénéité héroïco-comique de la partition, titille en permanence l’œil et transforme l’œuvre en un tableau vivant continûment renouvelé.
Par rapport à cette stimulante débauche d’imagination qui, d’un esprit léger et pétri de fantaisie, évite toute vulgarité, le bilan vocal s’avère plus modeste mais toujours honorable. Un peu brut de décoffrage au premier abord, mais sachant fendre l’armure au III, Kresimir Spicer campe un Orlando façon super-héros parfaitement en situation. L’Angelica d’Ekaterina Bakanova n’a pas la vocalise aussi aisée qu’il le faudrait pour son exigeant rôle mais forme un merveilleux couple avec le très touchant Medoro de Pascal Charbonneau. On n’est pas moins séduit par celui réunissant Bruno Taddia, drôlissime Pasquale, et Raquel Camarinha, fraîche et mutine Eurilla. Joan Martin-Royo possède l’autorité vocale requise pour Rodomonte et Adam Palka émeut en Caronte. Très remarquée lors de son arrivée en mini-vaisseau spatial tombant des cintres, Anna Goryachova campe une Alcina pleine de caractère. A la tête des Matheus, Jean-Christophe Spinosi manifeste un vrai plaisir de s’être lancé en terre haydnienne. Et pourquoi pas un Vivaldi, un de ces jours, avec Kamel Ouali et Nicolas Buffe ? Que ceux-ci ne se privent pas en tout cas d’autres irrespectueuses initiatives de ce genre.
Alain Cochard
Haydn : Orlando paladino – Paris, Théâtre du Châtelet, 17 mars, prochaines représentations les 21, 23 et 25 mars 2011.
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