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Metz - Compte-rendu : Thaïs - Luxure et sainteté

Vingt-deux ans que Thaïs n’avait été donné à Metz ! Le public ne s’y est pas trompé et a fait honneur à l’ouvrage de Massenet ; de nombreux Allemands et Anglais, friands de répertoire français, s’étaient déplacés jusque sur le bord de la Moselle. La mise en scène d’Eric Chevalier accentue l’austérité des deux thébaïdes, et la pureté du couvent de Mère Albine, en lui opposant le luxe ostentatoire d’Alexandrie et la foule bigarrée qui festoie chez Nicias. Les superbes décors de Nicolas de Lajarte, les costumes de Dominique Burté situent l’action autour de 1910 et font de Thaïs un double de Sarah Bernhardt. .

Chose assez rare de nos jours pour être soulignée, la partition est exécutée dans son intégralité (avec la totalité du ballet). Jacques Mercier donne à l’œuvre de Massenet de chatoyantes couleurs et lui épargne le rubato excessif qu’on lui inflige parfois. Tout coule ici avec un naturel confondant : les cordes soyeuses glissent sur un tapis de violoncelles et contrebasses sans lourdeur, les cuivres apportent l’austérité nécessaire sans alourdir le discours musical et la petite harmonie, fine et légère, pose une couleur orientalisante fort bien venue. Le violon solo de Denis Clavier, à la sonorité chaleureuse, fait de la célèbre Méditation un morceau d’anthologie, complété par un chœur qui apporte sa touche de mystère. .

Jean-Philippe Lafont (photo) campe un Athanaël à la limite du fanatisme religieux. Peu à peu gagné par le doute, il s’effondre dans le néant lors de son ultime confrontation avec Thaïs. La voix, dont le timbre s’est assombri avec les ans, n’éprouve aucune difficulté à affronter une tessiture éprouvante avec un grand respect de la ligne de chant.

Isabelle Philippe damnerait un saint. Sa mort extasiée se conclut sur un aigu éthéré qui semble planer au-dessus de l’orchestre. Malheureusement si la chanteuse possède tous les aigus que sollicite la partition, contre-ré compris, elle n’est pas le grand lyrique que requiert le rôle. Le médium et le grave manquent de corps et se perdent dans la masse orchestrale. Attendons quelques années pour que ceux-ci prenne du corps et nous aurons là une grande Thaïs.

Florian Laconi, voix ensoleillée aux aigus percutants, est un Nicias veule et tout à sa passion pour la belle courtisane. Valérie Debize, Carine Séchaye et Kareen Durand, respectivement Crobyle, Myrtale et la Charmeuse, sont excellentes. A remarquer leurs superbes prestations pendant le ballet. Palémon d’une grande sobriété de Marcel Beaulieu.

Chorégraphie simple mais efficace de Patrick Salliot. Avec le renfort de l’Ensemble Mille e tre, les chœurs préparés avec soin par Jean-Pierre Aniorte témoignent d’une belle homogénéité.

Bernard NIEDDA

(Opéra-Théâtre de Metz, le 6 avril 2008)

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