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Lyon - Compte-rendu : Un Lohengrin wielandien

En co-production avec Baden-Baden et la Scala de Milan, le Lohengrin mis en scène par Nikolaus Lehnhoff aborde entre Rhône et Saône, à l’Opéra National de Lyon. L’ancien assistant de Wieland Wagner à Bayreuth (de 1963 à 1966), opte pour un dispositif scénique qui n’est pas sans rappeler le « Lohenblue » du petit-fils de Richard. Là s’arrête la comparaison, car la direction d’acteur aussi fouillée soit-elle, ne possède pas le charme de celle du maître. Les costumes, forts beaux, situent l’action dans les années 1920 ; les éclairages passant du bleu magique à une blancheur crue marquent bien l’opposition entre le divin et les anciennes croyances personnifiées par Ortrude. Quelques idées intéressantes ponctuent ce spectacle : Elsa s’emparant de la cape d’Ortrude lorsqu’elle pose la question fatidique à son époux, prouvant par ce geste que son esprit est sous l’emprise de la magicienne, nul Cygne dans cette production, mais un rai de lumière tombant des cintres personnifiant celui-ci.

La distribution est excellente, d’abord grâce au Lohengrin massif, tant par le physique que par la voix, d’Hugh Smith. On aurait toutefois souhaité que celui-ci utilise par instants la nuance piano. La santé vocale de cet artiste le destine certainement aux personnages de Siegfried et de Tannhäuser. Gunnel Bohman campe une Elsa fragile, à la voix limpide posée sur une tenue de souffle impeccable. Sa scène de la chambre est chantée avec une maîtrise confondante, passant de la plus sublime douceur à l’hystérie maladive des ultimes questions.

Evelyn Herlitzius, Ortrude, annoncée souffrante, possède la tessiture exacte pour ce rôle qui en a fait trembler plus d’une. La couleur est superbe oscillant entre le mezzo et le soprano dramatique, ses appels à Wotan et ses imprécations finales sont chantées avec des aigues d’une force magistrale. On souhaiterait à toutes les chanteuses « souffrante » pareille santé vocale ! Le Telramund de Tom Fox se révèle à la hauteur de sa partenaire, leur confrontation n’est pas sans rappeler certains couples maudits (ex. Varnay/Blanc). La voix superbe de timbre et de projection, permet à ce bel artiste de tracer un portrait fouillé d’un homme dominé par sa diabolique épouse.

Hans Sotin, Roi Henri vétéran de cette production, n’a rien perdu de sa superbe. Sa voix possède ce grain plein de chaleur qui fit les beaux soirs de Bayreuth, et le style impeccable avec lequel il interprète ce personnage historique, donne à sa prestation une aura magique. Hérault bien chantant de Brett Polegatto, qui laisse présager un futur grand Telramund. Chœur admirablement préparé par Alan Woobridge, auquel on peut juste reprocher un manque de nuances.

La direction de Lothar Koenigs pleine de mystère souligne l’opposition entre les deux mondes qui s’affrontent tout au long du spectacle. En état d’apesanteur, le prélude est interprété avec une sonorité diaphane. Les cuivres sonnent avec une justesse irréprochable, malheureusement les coupures infligées soit par le chef où le metteur en scène (choeur supprimé au début du deuxième tableau du second acte, coupure plus traditionnelle après le récit du Graal) étonnent dans une maison qui longtemps eu la réputation d’être le « Petit Bayreuth français ».

Bernard Niedda

Opéra National de Lyon, le 29 octobre 2006.

Programme détaillé de l’Opéra de Lyon

Photo : DR
 

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