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Lyon - Compte-rendu - Giselle de Mats Ek au Ballet de Lyon. L’amour par delà la mort


Née en 1841, dans les pas du duo Perrot-Coralli et sous la plume de Théophile Gautier, qui l’avait trouvée dans Heine, Giselle, petite paysanne abusée par un beau prince inconscient, et qui revient d’outre-tombe pour le sauver, fascine toujours. Témoin la vision qu’en a donnée en 1982, le chorégraphe suédois Mats Ek, fils de la grande Birgitt Cullberg et de Anders Ek, comédien fétiche de Bergman.

Il n’est personne qui, ayant découvert cette oeuvre par hasard, n’en ait reçu un véritable choc. C’est un ballet qui claque comme un fouet, et la belle musique d’Adam en retire, à être jouée avec presque sauvagerie, une violence brute qu’on ne lui soupçonnait pas. D’Esprit surnaturel, Giselle devient ici folle et ses consoeurs les Willis, au lieu d’ailes, portent la camisole. Avec ses soubresauts de danseurs cabrés comme des bêtes blessées, ou frappant le sol de leurs sabots, son affrontement entre hautains grands de ce monde et paysans aux joies rugueuses, et son héroïne simple d’esprit qui se hausse par amour à la hauteur d’une rédemptrice, ce Giselle déchirant a d’emblée mérité le label de chef-d’œuvre. Le chorégraphe n’aurait-il signé que ce ballet, qu’il devrait figurer en bonne place dans les annales de la danse.

A Lyon, dont Yorgos Loukos dirige depuis 1991 le ballet de l’Opéra avec clairvoyance et opiniâtreté, l’inscription du Giselle de Ek au répertoire de la troupe est un évènement, et un pari, car toucher aux chefs d’œuvre est plus risqué que de créer à tour de bras. Le résultat est pure merveille, grâce à l’engagement des danseurs, notamment Yang Jiang et Harris Gkekas, magnifiques, et à la finesse de l’interprète principale, la gracile Caelyn Knight - alternant avec Dorothée Delabie - si différente des furies que furent Anna Laguna, ibérique épouse de Ek et créatrice du rôle, ou Céline Talon et Pietragalla à l’Opéra de Paris.

Le rôle en sort autre, ce qui est la marque de la richesse de l’œuvre, de même que l’opposition entre pauvres et riches se teinte ici d’humour et d’une provocation grotesque moins haineuse qu’on a pu le ressentir ailleurs. Ce en toute légitimité, puisque Mats Ek est venu lui-même montrer son ballet aux danseurs lyonnais. Il faut dire qu’une vive amitié l’attache à Loukos, au point qu’il fit pour le Ballet de Lyon sa première chorégraphie française. On a pleuré à ce Giselle : quel bonheur. D’autant qu’il sera repris l’automne prochain.

Jacqueline Thuilleux

Opéra de Lyon, du 22 au 29 mars 2009

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Photo : Jean-Pierre Maurin

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