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Les Pêcheurs de perles sous la baguette de Michel Plasson à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège – L’épure et le style – Compte-rendu

Déjà représentés à l’Opéra Royal de Wallonie en avril 2015, ces Pêcheurs de perles (une coproduction avec l’Opéra-Comique et l’Opéra National de Bordeaux) connaissent toujours le même engouement de la part d’un public sensible à la beauté de la musique de Bizet qui transcende les bons sentiments et la naïveté d’un livret sommaire.
 

Cyrille Dubois (Nadir) et Pierre Doyen (Zurga) © Opéra Royal de Wallonie-Liège

Si la distribution a changé, la mise en scène de Yoshi Oïda demeure quant à elle immuable. Le disciple de Peter Brook recherche l’intériorité, l’onirisme et la poésie avec un sens de l’épure d’une constante subtilité. Le décor unique de Tom Schenk est réduit à l’essentiel, digne du théâtre nô avec quelques accessoires et, en fond de plateau, une toile gigantesque qui rappelle l’esthétique du peintre Zao Wou-Ki. Les lumières de Fabrice Kebour, tantôt contrastées, tantôt finement tamisées, créent un espace suggestif figurant les différents moments d’une action située entre tempête, orage, mer calme, jalousie et crise passionnelle. La direction d’acteurs privilégie la psychologie et l’intériorité sur la démonstration, mais apporte une respiration profitable au chant.
 
La présence de Michel Plasson (86 ans) à la tête de l’Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie apporte la garantie d’une compréhension de l’œuvre qui appelle sens des couleurs et ample lyrisme. On retrouve dans sa direction ce qui a fait sa réputation jadis à Toulouse. Le premier acte souffre certes de la lenteur des tempos et de phrases étirées, mais quelle clarté dans la conduite du discours avec cette manière inimitable de dégager la suavité et le caractère sombre d'un opéra tout en nuances, riche d’expressivité mélodique. La phalange liégeoise répond parfaitement aux intentions du maestro, et les chœurs bien préparés par Pierre Iodice donnent entière satisfaction.
 

Annick Massis (Leila) et Patrick Delcour (Nourabad) © Opéra Royal de Wallonie-Liège
 
Le très beau casting vocal qui n’appelle guère de critiques : en Nadir, Cyrille Dubois délivre une véritable leçon de style, ajoutant à la tendresse de son interprétation une volupté de ton proche parfois de celle de Léopold Simoneau (dans la romance « Je crois entendre encore »). A la vaillance, il préfère le charme, la grâce et l’élégance dans une exécution de toute beauté, d’un naturel servi par une technique sans faille.
A son côté, Pierre Doyen incarne un Zurga assuré et très complémentaire à l’image du célèbre duo « Au fond du temple saint » où ténor et baryton se répondent en une parfaite osmose. Moins sollicité, Patrick Delcour affiche une belle santé vocale en Nourabad.
Annick Massis offre toujours la même présence dramatique, alliée à une maîtrise technique qui se joue des embûches semées en chemin par le jeune Bizet  – l'ouvrage est de 1863. On admire l’intensité dont elle fait preuve en Leila autant que sa superbe ligne et un timbre égal sur l’ensemble du spectre (superbe cavatine « Comme autrefois » !).
Ovation d’une assistance nombreuse et enthousiaste qui fait un triomphe à cette production intemporelle.
 
Michel Le Naour

Bizet : Les Pêcheurs de perles - Liège, Opéra Royal de Wallonie, 8 novembre ; prochaines représentations les 12, 14 &16 novembre 2019 // www.operaliege.be/spectacles/saison/2019-2020/
 
Photo © Opéra Royal de Wallonie-Liège

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