Journal

Leonardo García Alarcón dirige la Finta pazza de Sacrati à l’Opéra de Dijon – Trois-cent-soixante-quatorze ans plus tard ...

L’Opéra de Dijon fait une fois de plus l’événement en matière d’opéra baroque, du 5 au 10 février, avec une production de la Finta Pazza de Francesco Sacrati(1605-1650), confiée Jean-Yves Ruf pour la mise en scène et à Leonardo García Alarcón (photo) – à la tête de sa Cappella Mediterranea – pour la partie musicale. Le chef argentin n’a pas hésité un instant pour se lancer dans l’aventure d’un ouvrage particulièrement important dans l’histoire de l’opéra. «  La Finta Pazza a été créée en 1641 à Venise, quatre ans après la naissance de l’opéra public dans cette ville, rappelle-t-il. Le succès a été au rendez-vous et l’ouvrage a commencé à voyager dans toutes les villes italiennes. Elle a eu un écho si fort que Mazarin a fait en sorte que l’ouvrage soit joué en France dès 1645. Agé de huit ans, le jeune Louis XIV était présent et a été très impressionné. Il a plus tard affirmé que l’envie de danser et de faire de la musique lui est venue de là. »

La folie pour la première fois à l’opéra
« La Finta Pazza, poursuit Alarcón, casse les structures des opéras inscrits dans un courant post-Renaissance – je pense au Retour d’Ulysse de Monteverdi ou à la Didone de Cavalli –, ouvrages dont le mouvement n’est pas seulement induit par la vitesse du livret. Chez Sacrati, il y a un temps naturel du texte que je n’ai retrouvé dans aucun opéra de cette époque. Giulio Strozzi, librettiste de Sacrati, avait aussi écrit une Finta Pazza pour Claudio Monteverdi, mais cet ouvrage est aujourd’hui perdu. Avec celui de Sacrati, c’est la première fois que l’on traite de la folie à l’opéra. Une folie feinte qui demande à l’interprète de Deidamia – rôle qui sera tenu par Mariana Flores – de déployer une très large palette émotionnelle. » 

Mariana Flores © DR

Vitesse et naturel du propos théâtral
« On trouve aussi dans la Finta Pazza une manière un peu plus populaire de traiter la canzone. La canzonetta est peu présente chez Monteverdi ou Cavalli – et réservée en général à des personnages bouffes. Ici, la canzonetta est très souvent utilisée et génère un contact très direct avec le public. On a affaire à un propos théâtral très naturel, qui  ne déforme pas la dramaturgie à travers le compositeur. Les scènes passent à une très grande vitesse, tout coule de façon très naturelle. » De plus, « on constate que la Finta pazza est une œuvre centripète : tout tourne autour de la folie de Deidamia, tous les personnages évoluent autour de cette folie. »

Jean-Yves Ruf © Benjamin Chely

Un laboratoire des émotions
Six ans après Elena de Cavalli à Aix-en-Provence, La Finta Pazza permet à Leonardo García Alarcón de retrouver – avec bonheur ! – Jean-Yves Ruf pour une œuvre « qui est exactement le contraire d’Elena. » Le chef apprécie les « différents degrés de lecture » dont le metteur en scène est capable. « A chaque répétition on va au plus profond sans savoir où l’on va aller. Jean-Yves n’arrive pas en imposant une vision ; il a des certitudes sur la manière d’emprunter le chemin mais il ne sait pas où celui-ci va nous mener. C’est formidable de travailler ainsi ; on est dans un laboratoire des émotions, comme Sacrati et Strozzi l’étaient à Venise en leur temps. C’est un vrai régal ! Jean-Yves n’est pas dans la surface des choses ; il a grand respect de l’art et des artistes. »    
                                                              
Célébrer l’Académie Royale de Musique                         
A la vérité, ce n’est pas la Finta Pazza que L. G. Alarcón envisageait initialement de donner en ce début 2019. Grâce à un musicologue, le chef a mis la main sur la partition il y a deux ans seulement et a décidé Laurent Joyeux de la programmer à Dijon, pour la première fois en France depuis... 1645 ! La première des trois étapes au cours desquelles Alarcón et le Cappella Mediterranea marqueront le 350e anniversaire de l’Académie Royale de Musique que l’on célèbre cette année. Après la Finta Pazza, premier opéra italien joué en France, l'Argentin dirigera Médée de Charpentier en mai à Genève, avant les Indes Galantes de Rameau en septembre-octobre à l’Opéra de Paris. Bel hommage à l’institution fondée le 28 juin 1669 sous le règne du plus musicien de nos rois.   
                          
Alain Cochard
Entretien avec Leonardo García Alarcón réalisé le 24 janvier 2019

Sacrati : La Finta pazza
5, 7, 8 et 10 février 2019
Dijon – Grand Théâtre
https://www.opera-dijon.fr/fr/spectacle/la-finta-pazza/567

Photo © Jean-Baptiste Millot

Partager par emailImprimer

Derniers articles