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L'Elisir d'amore à l'Opéra de Lausanne - Nectar belcantiste - Compte-rendu

L'Opéra de Lausanne rouvre ses portes : écrin de 960 places, petit théâtre à l'italienne en rouge et noir à la taille idéalement proportionnée pour le plaisir vocal. « L'Opéra, ce sont d'abord les voix » aime à rappeler l'heureux directeur des lieux, Eric Vigié, grand amoureux du bel canto. Pas étonnant donc qu'il ait choisi un sémillant Elisir d'amore de Donizetti, champêtre et fantaisiste à souhait, pour ouvrir cette nouvelle saison largement dominée par l'opéra italien.

Adriano Sinivia et son décorateur Cristian Taraborelli l'ont situé au ras de pâquerettes (en l'occurrence, des coquelicots) dans l'infiniment petit des épis géants ponctuant un plateau surréaliste entièrement construit au pied d'une roue de tracteur occupant tout le flanc droit de la scène. L'idée est on ne peut plus amusante, et tout ce petit peuple de paysans est aussi bien coiffé et attifé que les Minimoys de Luc Besson, auxquel quelques vidéos un brin inutiles viennent sans doute rendre hommage en introduction.

L'arrivée de Dulcamara dans sa roulotte en forme de bouteille pour fourguer son fameux élixir aux plus crédules est franchement désopilante. Lorenzo Regazzo, aussi théâtral que tonitruant en druide fourbe et cynique, s'en donne à cœur joie. Le plus crédule à se laisser prendre, ce sera évidemment Nemorino, auquel Stefan Pop prête sa bouille idoine et sa rondeur naïve. Malheureusement, la voix ne suit pas toujours. S'il ne manque pas d'allant, il peine parfois à maîtriser un vibrato au bord du chevrotement et sa « Furtiva lagrima » était un peu trop étranglée pour nous faire verser une petite larme, même furtive. Heureusement, face à lui, il y a le naturel insolent d'Olga Peretyatko, désormais habituée des lieux après la Desdemone de l'Otello de Rossini et le rôle-titre d'Alcina l'an passé.

Dominant sans cesse son propos, voluptueuse et flamboyante sans jamais forcer, il ne lui manque peut-être qu'une direction d'acteur un peu plus subtile. A ses côtés, la distribution se révèle d'une parfaite homogénéité avec le Belcore solide et pétulant de George Petean, et des choeurs rompus au bel cantisme, même tardif. Mais comme souvent à Lausanne, c'est la fosse qui offre la plus belle réussite de cette production de rentrée. Retrouvant l'Orchestre de Chambre dont il fut le directeur pendant dix ans dans les années 90, Jesús López Cobos, très intelligemment, ne confond pas la verve avec l'agitation. Dans des tempi mesurés, il soigne les contrastes et la précision des pupitres, livrant un tapis sur mesure aux chanteurs, notamment dans un finale du premier acte absolument splendide.

Luc Hernandez

Donizetti : L’Elixir d’amour – Suisse, Lausanne, Opéra, 5 octobre 2012

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Photo : DR
 

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