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Le Nez de Chostakovitch à l’Opéra de Lyon - Lyon Russe - Compte-rendu



Tout Lyon bruissait de l’intégrale des quatuors à cordes de Chostakovitch que le Quatuor Debussy avait donnée en parallèle des représentations du Nez, pour beaucoup de mélomanes une découverte saisissante. Les couloirs de l’opéra en résonnaient encore au travers des nombreux commentaires admiratifs des spectateurs, et l’on enrageait à part soi de ne pas y avoir assisté. Il faut saluer cette programmation exemplaire, car peu de maisons d’opéra proposent à côté d’une de leur production une intégrale d’un des pans entiers de l’œuvre du compositeur.


Au demeurant Serge Dorny a de la suite dans les idées : saison après saison il a installé au répertoire de ce qui est devenu incontestablement sa maison, quelques ouvrages essentiels du théâtre lyrique russe, toujours dans des mises en scène de premier ordre, la Trilogie Pouchkine de Tchaïkovski, un très remarquable Joueur de Prokofiev, et Moscou quartier des cerises en sont les plus beaux fleurons.


Le cycle Chostakovitch avait donc débuté voici quelques saisons par ce dernier ouvrage, opérette-revue irrésistible emmenées avec brio par une troupe parfaite. Le voici poursuivi par Le Nez, partition iconoclaste, aux musiques futuristes qui viennent se briser sur un argument absurde typique de Gogol. La régie de William Kentridge, étrennée cet été à Aix, a fait fureur et avec raison. Le metteur en scène y réfrène son goût parfois envahissant de la vidéo pour se concentrer sur une direction d’acteur étourdissante, littéralement portée, voire suscitée (la Cathédrale !) par des décors et des éclairages aussi inventifs que désopilants : la première scène chez le barbier Yakovlevitch, avec son échoppe en étage suspendue dans le vide en est comme le manifeste immédiat.


On est entraîné dans la folie de l’œuvre avec un naturel sidérant, on finit par croire à ce Nez-Conseiller d’état, on se prend pour Kovaliov. Spectacle étourdissant qui règle une fois pour toute son compte à l’œuvre, en excusant même les facilités futuristes dont Chostakovitch se rend coupable. Car si la musique du Nez est géniale, elle fatigue aussi très vite, écueil qu’évite la direction preste de Kazushi Ono, au diapason d’une troupe déjantée où tous sont parfaits.

Trop de lauriers à donner donc, et d’abord au Kovaliov incroyable de comédie que brosse Vladimr Samsonov, ou au Barbier débonnaire de Vladimir Ogovenko. Vérité d’une troupe à l’œuvre où chacun met son visage sans nuire à l’ensemble, même si le Sergent de Police d’Andrey Popov hurlait très faux en cette matinée. Une mention spéciale pour l’Ivan impayable de Vasily Efimov : sa chanson avec la balalaïka est simplement anthologique.


Non content de programmer l’intégrale des quatuors, Serge Dorny avait demandé à l’Orchestre de quitter sa fosse pour un concert slave dont Chostakovitch était encore le prétexte : à l’entracte on était monté au premier balcon pour savourer pleinement une Première Symphonie pleine de fantaisie, acérée et brillante, tour à tour poétique puis ironique. Le son de l’orchestre, un peu tassé au parterre, y rayonnait littéralement, et Kazushi Ono semblait porté par cette plénitude. De très étranges Rêves de Prokofiev, partition de jeunesse encore influencée par Scriabine et les premiers futuristes, introduisaient à la vraie perle de la soirée : un Premier Concerto pour violon de Karol Szymanowski onirique et sensuel, emmené par l’archet stylé du premier violon de l’orchestre, Kazimierz Olechowski. L’œuvre est redoutable, pour le soliste comme pour l’orchestre, et l’on s’étonnait de la perfection à laquelle tous atteignaient. Il est vrai qu’au sein de la formation une importante communauté de musiciens polonais a fait son nid, ceci expliquant en partie cela.
L’Europe, décidément, a du bon.



Jean-Charles Hoffelé





Dmitri Chostakovitch : Le Nez, Concert de l’Orchestre de l’Opéra de Lyon – Lyon, Opéra les 15 et 16 octobre 2011 / www.opera-lyon.com


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Photo : DR

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