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Le Monde selon Mozart à l’Atelier lyrique de Tourcoing – Le médecin Wolfgang – Compte-rendu
Créé en novembre 2021, sous le titre Welttheater Mozart, au Theater Krefeld-Möndchengladbach, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Le Monde selon Mozart est enfin arrivé en version française à l’Atelier lyrique de Tourcoing. Ce « Singspiel imaginaire » est en fait un pasticcio à base de morceaux pour la plupart très peu connus du Salzbourgeois, d’airs de concert, d’airs alternatifs insérés dans les opéras d’autres compositeurs, ou d’extraits d’œuvres de jeunesse. Même le fragment de Don Giovanni est le duo Leporello-Zerline ajouté pour la création viennoise, que l’on n’entend presque jamais. Le début et la fin viennent tout droit de Der Schauspieldirektor, petit chef-d’œuvre dont on s’explique mal qu’on le donne aussi rarement. Le principe rappelle un peu Ombra felice, spectacle imaginé par Ursel et Karl-Ernst Hermann, créé à Salzbourg en 1994 et vu à Paris en 1997.
Pas de récitant, cette fois, mais quatre chanteurs qui jouent aussi la comédie, puisque François de Carpentries et Karine van Hercke ont imaginé un livret réunissant quatre divinités – un peu comme dans Il trionfo del tempo e del disinganno de Haendel, où figurait déjà Bellezza. Ici, les trois autres personnages allégoriques sont Fortuna, Amore (comme dans le prologue du Couronnement de Poppée) et Spirito, ce dernier étant en fait une sorte de cerveau raisonneur qui ennuie les autres par ses longs discours au vocabulaire abscons. Ces dieux descendent sur Terre pour voir où en sont les humains confinés, mais en l’absence de tout Terrien, ils s’amusent, s’ennuient, se chamaillent, s’éprennent les uns des autres, jusqu’au moment où ils révèlent qu’ils sont en fait venus apporter au public ce divin remède qu’est la musique de Mozart. Cette intrigue a pour principal mérite de permettre l’enchaînement des airs retenus et de laisser s’épanouir le talent des interprètes, la contrainte initiale étant de se limiter à quatre chanteurs, à l’origine les membres de l’Opéra Studio de Krefeld-Möndchengladbach.
Dans un décor fait de quelques toiles peintes évoquant une planète plus ou moins à l’abandon, avec quelques machinae permettant aux dei d’apparaître (à en juger d’après certaines photographies, la Beauté devait apparaître dans une gloire descendant des cintres, mais il semble que l’on ait renoncé à cet effet), les divinités en voyage intergalactique sont habillées par Fragonard pour les dames, et plutôt à la mode du XVIIe siècle pour les messieurs. L'orchestre Les Ambassadeurs-La Grande Écurie s’ébroue avec allégresse dans l’ouverture du Directeur de théâtre et conclut le premier acte sur l’un des interludes les plus dramatiques de Thamos, roi d’Egypte. Peut-être Alexis Kossenko aura-t-il profité de l’occasion pour ajouter, après l’entracte, l’andante du 2e Concerto pour flûte KV 314, complétant ainsi son rôle de chef par celui de soliste, berçant par ses sons harmonieux Spirito resté seul sur scène, comme dans Bonne nuit les petits.
Au prix de quelques légères manipulations (le trio Luci care devient un duo, le final de Così perd forcément deux de ses six voix), tous les chanteurs ont droit à au moins solo, à des duos et des quatuors. Jennifer Courcier fait valoir son agilité et ses aigus, notamment dans l’air « Nel grave momento » chanté par Aspasie de Mitridate, et dans le superbe « Da schlägt die Abschiedsstunde » du Directeur de théâtre. Fiona McGown, espiègle Fortuna, trouve la noblesse d’une héroïne d’opera seria pour « Parto inerme e non pavento », tiré de l’oratorio La Betulia liberata. Le ténor Bastien Rimondi n’a guère à interpréter seul que « Diggy, daggy, schurry, murry », air en charabia tiré de Bastien et Bastienne, mais on remarque dans les ensembles sont timbre percutant. Aimery Lefèvre, enfin, savoureux acteur dans sa composition de pédant insupportable, bénéficie de l’air de concert « Aspri rimorsi atroci » pour mettre en valeur son registre grave. Les rires et les applaudissements du public le prouvent : les remèdes du docteur Wolfgang n’ont rien perdu de leur efficacité.
Laurent Bury
Photo © Aurélie Rémy
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