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Le Couronnement de Poppée au Palais Garnier - Monteverdi en bleu – Compte-rendu

Le Couronnement de Poppée à l'Opéra Garnier. Andrea Concetti (Seneca) et Marie-Adeline Henry (Valletto)

On entre à Garnier un œil sur la fosse, et, horreur, elle est quasiment vide. Rinaldo Alessandrini resserre son maigre Concerto Italiano en son centre, deux violons, deux luths, une basse de viole, un clavecin. Adieu couleurs, adieu soutien. A ce squelette de musique qui du moins aide un admirable travail sur l’articulation du texte répond le vide si esthétique du spectacle de Bob Wilson. Eclairages magiques mais froids, postures désincarnées, une Arnalta au visage convulsé comme un masque de théâtre napolitain, une Poppée qui n’est plus qu’une suite de postures et pour le coup un Néron et un Sénèque également falots… l’élève dépasserait presque le maître d’ailleurs.

On entend une part du public séduite  par cette suite de tableaux désincarnés. Et pourquoi pas. Mais nous entendons surtout le trépidant théâtre de Busenello, sa verve baroque et plus encore la somptueuse musique de Monteverdi, même réduite à si peu de présence, hurler qu’ils ne veulent pas entrer ici. Et de nous souvenir du flamboyant et ironique Couronnement de David Alden qu’étrenna jadis Garnier. Sexe, politique et sang, où sont-ils donc passés  dans cette symphonie de bleus glaciers ?

On aimerait se rembourser avec les chanteurs. Mais le Néron sans charisme et sans folie de Jeremy Ovenden , la Poppée pas assez conquérante et guère plus sensuelle de Karine Deshayes, l’Ottavie peu tenue et d’autant moins émouvante de Monica Bacelli nous en empêchent, tout comme le Sénèque en prose d’Andrea Concetti.

Varduhi Abrahamyan / © DR

Bravo aux buffi, avec une mention spéciale pour l’Arnalta de Manuel Nuñez Camelino, également à l’aise dans l’incantation vocale comme dans la pantomime que lui impose Wilson. Bravo à l’Amour délicieusement piquant d’Amel Brahim-Djelloul, et à la Drusilla pleine de caractère et en grande voix de Gaëlle Arquez. Mais tous rendaient les armes devant l’Ottone de Varduhi Abrahamyan, au mezzo ambré, à la ligne si éloquente que même un accompagnement aussi pâle ne pouvait affadir. Voila l’incarnation de la soirée, et pour nous la seule mémoire qu’on gardera de cette production.

Jean-Charles Hoffelé
Monteverdi : Le Couronnement de Poppée - Paris, Palais Garnier, 20 juin, prochaines représentations 22, 24, 26, 28, 30 juin 2014 / www.concertclassic.com/concert/le-couronnement-de-poppee-de-monteverdi-0

Photo  © Opéra national de Paris / Andra Messana

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