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L’Auberge du cheval blanc selon Gilles Rico à l’Opéra de Marseille – Délicieusement subversif – Compte-rendu

 
Amoureux d’un Tyrol de carte postale avec ses chalets, ses alpages et ses vaches, passez votre chemin ! L’Auberge du cheval blanc du marseillais Gilles Rico, qui propose son travail pour la première fois à domicile, brûle les images d’Epinal et transforme le gîte romantique du Salzkammergut en cabaret berlinois des années 30. Il n’en fallait pas plus pour redonner de la vigueur a une l’opérette de Benatzky (1884-1957) trop souvent servie poussiéreuse et barbante !
 

Marc Barrard (Bistagne) & Barbara Klossner (Miss Helvetia) © Christian Dresse
 
En entrant à l’Opéra, en ce mercredi après-midi coincé entre deux réveillons, personne n’imaginait yodler en compagnie de Miss Helvetia (Barbara Klossner). Et pourtant, accordéon à la main, bas résilles, sourire aux lèvres, la Kathi transformée en joyeuse meneuse de revue par le metteur en scène, est arrivée à faire chanter son public en alternant voix normale et voix de tête… Tout en cédant de façon coquine aux avances d’un Napoléon Bistagne visiblement plus attiré par les formes de la dame que par le chant des bergers alpins. Bistagne, marseillais en vacance et en goguette superbement interprété par Marc Barrard distillant son texte avec accent et bonne humeur sans jamais tomber dans la trivialité.
 
Car c’est là l’une des qualités, et non des moindres, du travail de Gilles Rico qui sait aller loin dans le propos subversif sans jamais tomber dans les crevasses. Ainsi, nous présente-t-il un empereur travesti, l’immense Francis Dudziak irrésistible, dont les gardes du corps, à l’heure de son petit déjeuner, laissent tomber costumes, flingues et lunettes noire pour se positionner en slips dorés de chaque côté de la table ! Plaisirs, transgressions mais, surtout sourires et joie sont au rendez-vous.
 

Francis Dudziak (L'Empereur) & Laurence Janot (Josepha) © Christian Dresse
 
Nous pourrions à l’envi multiplier les détails croustillants d’un livret revisité, l’arrivée de Bistagne dans sa chambre aux accents d’Ainsi parlait Zarathoustra, les flirts déjantés de Célestin et Clara, impayables Guillaume Paire et Julie Morgane, la parodie d’un conseil municipal et ses notables de pacotille, les séances de drague de Sylvabelle, élégante Clémentine Bourgoin (photo à dr. ), par le bellâtre avocat parisien Florès, doté fort à propos des traits de Sami Camps (photo à g.) .
Dans cet univers délicieusement subversif, les tentatives amoureuses, un temps vaines, de Léopold, l’excellent Léo Vermot-Desroches, pour sa patronne Josepha, superbe Laurence Janot, paraissent presque très sages… Tout ce beau monde chante, danse et vit en toute liberté le temps d’une villégiature au cœur de ce Tyrol suggéré épisodiquement par les décors et les projections vidéo d’Etienne Guiol. A ce propos, il convient ici de souligner l’excellence du travail technique réalisé par l’équipe scénique réunie par le metteur en scène.
 
Placés sous la direction de Didier Benetti, l’orchestre et le chœur de l’Opéra de Marseille apportent avec bonheur leur pierre à l’édifice festif, de même que les comprimari et les danseurs fort sollicités par les chorégraphies tout au long de la représentation. Un an après Lausanne où elle fut créée, cette production de l’Auberge du cheval blanc a migré avec bonheur dans le sud de la France. Et à en croire l’accueil qui lui a été réservé elle a encore de beaux jours devant elle.
 
Michel Egéa
 

Ralph Benatzky : L’Auberge du Cheval-Blanc  - Marseille, Opéra, 28 décembre ; prochaines représentations les 29 & 31 décembre 2022, puis les 3 & 4 janvier 2023 // opera.marseille.fr/programmation/opera/l-auberge-du-cheval-blanc

Photo © Christian Dresse

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