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La Rondine à l’Opéra de Nancy  - Signé Cura - Compte-rendu

Le cycle de représentations de La Rondine que programme l’Opéra national de Lorraine constitue l’aboutissement d’un projet initié il y a cinq ans avec des master classes conduites par José Cura. Parmi les jeunes chanteurs s’est alors constituée une troupe qui allait travailler une production de la comédie lyrique de Puccini, mise en scène et dirigée par le célèbre ténor argentin.

Si une telle ubiquité dans une production suscite généralement le scepticisme, il faut avouer que le résultat obtenu se révèle d’une bonne tenue. Certes, l’ouvrage de Puccini, à la légèreté parfois un rien bavarde, ne peut se mesurer à Madame Butterfly ou Tosca. Et la verrière où est installé le salon de Magda semble sacrifier avant tout à une esthétisation, parfaitement consonante au demeurant avec les fragrances d’opérette viennoise qui filtrent de la partition. Avec son linoléum vert qui sent un peu trop l’économie pour tout gazon, le deuxième acte, le plus faible des trois, fait du café Bullier un pâle écho du confrère Momus de La Bohème. Mais c’est la fin, avec le retour de l’héroïne à l’intérieur de sa prison dorée, comme après la migration au nid une hirondelle – traduction française du titre rappelons-le – qui révèle l’efficace intelligence de la mise en scène, témoignant d’un habile savoir-faire dans la distillation de la tension dramatique.

Des deux distributions en alternance, la seconde était illuminée par la Magda de Yuree Jang (photo). La soprano sud-coréenne se distingue par une voix charnue et ductile, aussi élégante qu’émouvante dans sa féminité toute en souplesse, où l’on sent poindre la mélancolie du personnage. Une jeune interprète à suivre, assurément.

Sans doute plus à son affaire dans le répertoire français, Avi Klemberg réserve à Ruggero une vigueur qui habille de manière un peu large un rôle somme toute léger. Plus idiomatique est le Prunier de Xin Wang, tout comme la Lisette d’Eva Ganizate, soubrette frôlant le stéréotype dans le premier acte, mais qui sait trouver dans le dernier les accents blessés d’une jeune fille que sa condition domestique satisfait bien davantage que les feux d’une impitoyable rampe – seconde clef de voûte de la morale très conservatrice de l’histoire. Jean-Vincent Blot, avec sa tessiture de basse, tire l’autorité de Rambaldo vers un certain paternalisme. Les nombreux comprimarii complètent sans écart dommageable ce tableau de société mondaine.

La direction de José Cura, aux petits soins pour le plateau vocal, respire la confiance qui semble s’être nouée avec les musiciens de l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, et confirme la pertinence du projet qu’il a porté, lequel fait honneur à l’institution lorraine.

Gilles Charlassier

Puccini : La Rondine – Nancy, Opéra National de Lorraine, le 8 mai, dernière représentation le 15 mai 2012

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Photo : DR
 

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