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​La Missa solemnis sous la direction de Jérémie Rhorer au Festival de Pâques d’Aix 2024 – Elan narratif – Compte-rendu

 

Concerts, ateliers, masterclasses, rencontres, présence très forte dans toute la Région Sud (dans le cadre de « Musique en Partage ») : avec une centaine d’événements au total et un taux de remplissage de 90%, le Festival de Pâques 2024 s’est refermé sur un bilan très positif ; une manière d’élan nouveau tandis que la manifestation aixoise entame sa deuxième décennie d’existence.
Resurrezione, Messie, Passion selon saint Jean, Messe en si mineur ... : les grandes partitions sacrées n’ont pas manqué cette année, et c’est l’une des plus singulières du XIXe siècle, la Missa solemnis de Beethoven, qui occupait la soirée de clôture de la 11édition, confiée à Jérémie Rhorer et son Cercle de l’Harmonie ; un chef et un orchestre proches du public aixois puisqu’ils sont en résidence au Grand Théâtre de Provence depuis 1998.
 

© Caroline Doutre
 
Ouvrage singulier ? Faible mot pour définir une réalisation du dernier Beethoven où, comme il le fait à l’époque dans sa musique pour piano ou du côté du quatuor à cordes, le compositeur pousse la forme héritée de ses devanciers jusqu’à un point d’extension proprement inouï. Une composition monumentale certes, mais pour laquelle, on le comprend dès le Kyrie, Rhorer refuse la monumentalité au profit d’une approche d’abord synonyme d’élan et de lisibilité. Détail significatif, la traduction du texte de la messe est diffusée sur écran, comme on le ferait pour un livret d’opéra. Pas un latin pétrifié, mais une langue vivante : la musique épouse continûment le sens des mots au fil d’une approche résolument narrative. Outre une phalange aux timbres riches et aux assises solides, le chef peut compter sur la présence – et l’engagement ! – de la remarquable Audi Jungendchorakademie (un chœur de jeunes venu d’Allemagne qui fait là sa première apparition en France) et d’un beau quatuor vocal réunissant Chen Reiss, Varduhi Abrahamyan, Daniel Behle et Johannes Weisser. Rhorer a pris le parti de disposer les quatre chanteurs juste devant le chœur – et donc derrière l’orchestre. Choix qui de prime abord peut dérouter, mais s’inscrit dans la cohérence de sa démarche interprétative.
 
La musique avance et épouse les divers moment de la messe avec une un profond sens de la couleur instrumentale. Un Beethoven ultime (la Missa solemnis fut élaborée de 1819 à 1823), expérimentateur, dont l’écriture, d’une difficulté souvent extrême, est loin de faciliter la tâche des exécutants, mais qui n’en demeure pas moins pleine de sensibilité – fût-ce de façon parfois déroutante. Cet Et incarnatus plein d’émotion (bravo à la flûte ! ), cet Et resurrexit glorieux, cet Et vitam venturi saeculi, où les choristes donnent la mesure de leur art, cet Amen d’une plénitude tellement signifiante ... On ne peut tout mentionner ; impossible un tout cas de ne pas saluer l’humanité de Jonathan Stone dans la redoutable partie de violon du prenant Sanctus, avant un Agnus Dei où Rhorer parvient à un formidable déploiement polyphonique.
 
Le chef et ses troupes n’en ont d’ailleurs pas fini avec la Missa solemnis : ils la reprennent à Paris (Philharmonie) le 23 avril, puis en Allemagne, à Ingolstadt, le 22 juin. Deux jours après que l’on aura pu retrouver le chef et son orchestre au Festival de Saint-Denis, cette fois avec le chœur Les Eléments, dans le Requiem de Mozart. (1)
 
Alain Cochard
 

(1) festival-saint-denis.com/concert/mozart-requiem-brahms-rhapsodie-pour-alto/

 
Aix-en-Provence, Grand Théâtre de Provence, 6 avril 2024 // Reprise à Paris (Philharmonie) le 23 avril 2024 (avec Christiane Karg, Varhuhi Abrahamyan, Daniel Behle et Tareq Nazmi) : www.concertclassic.com/concert/beethoven-missa-solemnis-0

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Photo © Caroline Doutre

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