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La Dixième Symphonie de Beethoven de Pierre Henry à la Cité de la musique – Mosaïque d’énergie(s) – Compte-rendu

« Il a posé les bases de la musique d’aujourd’hui. (...) Mieux que Messiaen [il] m’a appris à composer, disait Pierre Henry (1927-2017) de Beethoven. Lui et moi avons tellement de points communs ! ». Fasciné par la puissance et les « effets de tension » du langage du compositeur allemand, le maître de la musique concrète s’est emparé du matériau des 9 Symphonies pour élaborer sa Dixième Symphonie de Beethoven, dont la version originale, pour bandes magnétiques, fut conçue dès 1966 et réalisée dans le célèbre studio de la rue de Toul à Paris de 1974 à 1979, année qui vit la création de l’ouvrage (le 25 octobre) à la Beethovenhalle de Bonn.
Pierre Henry rêvait d’une version pour orchestres et chœur de sa Dixième. Son souhait aura été réalisé post-mortem : le public a répondu nombreux pour assister à sa création, dans le cadre des manifestations accompagnant l’inauguration du – très réussi –  Studio Pierre Henry au Musée de la musique (1). Un auditoire extrêmement varié, de tous âges, qui démontrait une fois de plus combien les œuvres de l’artiste dépassent le cercle des amateurs de musique dite « contemporaine ».  
 
© Cédric Alet

« Je n’ai pris que ce qui me plaisait » : la Dixième ne se présente pas comme un résumé des 9 Symphonies mais bien plutôt comme une « œuvre essentiellement combinatoire » ; une manière d’autoportrait aussi d’un créateur très marqué par son devancier (par les Symphonies nos 3, 7, 9 et 5 en particulier). Avant de louer le travail des interprètes réunis à la Villette, il convient de saluer celui – énorme ! – de Maxime Barthélémy et Misael  Gauchat qui ont œuvré à l’édition de la version symphonique de la Dixième (pour trois orchestres, ténor et chœur).
Il a fallu retirer les fauteuils de chaque côté de la salle pour installer l’orchestre B à jardin, le C à cour, le A occupant lui la place « normale » sur scène ; trois formations constituées des forces mêlées –  et très impliquées ! –  du Philharmonique de Radio France et de l’Orchestre du Conservatoire de Paris - belle expérience pour ces jeunes instrumentistes !  Pascal Rophé (Orch. A), Marzena Diakun (Orch. B) et Bruno Mantovani (Orch. C) ont tous trois offert un modèle d’engagement et de coordination au service de la mosaïque d’energie(s) résultant de  l'appropriation – fascinante ! – des sons de Beethoven par le Français.

Entre citations textuelles et prises de distance avec le matériau de départ, les huit mouvements la Dixième embarquent l’auditeur dans un voyage sonore extrêmement prenant (75’ env.). Au bonheur auditif, s’ajoute celui du spectacle de sa réalisation ; de ces trois orchestres s'unissant, se succédant ou s’entrechoquant, de ces jeux de timbres, jusqu’à la merveilleuse et cathartique citation de la 7ème Symphonie au terme du finale. On n’oublie pas, enfin, les belles prestations, quoique réduites (d’évidence, la partie chorale de la 9ème n’est pas ce qui attirait le plus Pierre Henry ...), du ténor Benoît Rameau, du Jeune Chœur de Paris et du Chœur de Radio France (dir. Richard Wilberforce).
Accueil enthousiaste d’un public conquis par la création de cette Dixième symphonique !

Alain Cochard

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