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La Chronique de Jacques Doucelin - Traiter la musique comme les musées

Les craintes d’un dépeçage du ministère de la Culture étaient donc vaines. Dont acte. Cerise sur le gâteau : c’est une femme qui succède à Renaud Donnedieu de Vabres rue de Valois, ce qu’on n’avait plus vu depuis la nomination à ce même poste de Catherine Tasca et de Catherine Trautmann. Agrégée de lettres, femme de plume, ancienne du cabinet de Jacques Chirac à l’Elysée, Christine Albanel va donc quitter la présidence de l’Etablissement public du domaine de Versailles. Le monde des arts plastiques et du patrimoine n’ont plus guère de secrets pour elle. Le soixantième anniversaire du Festival de Cannes qui bat son plein lui donnera sans nul doute l’occasion de s’immerger dans le 7ème art.

Avant de rendre ses premiers arbitrages dans le domaine de la musique, souhaitons qu’elle sache s’entourer de personnes désintéressées et compétentes et qu’elle n’écoute surtout pas les beaux parleurs qui, comme chacun sait, ne sont pas les payeurs, et qui ont accoutumé de faire avancer leurs pions personnels dans les couloirs du ministère où on les croise plus fréquemment qu’à leur poste de commandement ! Sur fond de procès avec l’architecte constructeur de la Cité de la Musique, il va y avoir des décisions à prendre sur la construction de nouveaux auditoriums symphoniques, tant à La Villette que dans l’enceinte de Radio France.

L’expérience versaillaise de Christine Albanel lui aura du moins fourni l’exemple d’une institution musicale parfaitement intégrée à son lieu et à sa fonction avec le Centre de Musique Baroque de Versailles implanté dans l’Hôtel des Menus Plaisirs. En effet, les racines scientifiques de la mise en valeur du patrimoine musical versaillais s’ancrent dans le CNRS, accueillant chercheurs et étudiants français et étrangers. Le système informatique Philidor permet à tous les internautes de l’univers musical de trouver renseignements et partitions originales. Pour les mettre en valeur et animer les lieux qui ont vu la création de ces chefs-d’œuvre (Chapelle et Opéra Royal) des interprètes vocaux sont formés sur place, des concerts réguliers organisés ainsi qu’un festival annuel consacré à l’un des grands compositeurs versaillais. A l’édition de partitions s’ajoute ainsi celle de nombreux disques. C’est ce qu’on appelle un ensemble cohérent qui réunit dans un lieu mis en valeur chercheurs, musiciens interprètes et public.

Celle qui a pu mesurer de son poste d’observation l’impact de la gratuité, même partielle, des musées pourrait, à très peu de frais, mener une politique en direction du jeune public de la musique. Si les JMF ont réalisé un vrai miracle au lendemain de la guerre, en préparant le terrain pour l’essor du 33 tours et de la politique musicale mise en place par Malraux et Landowski à la fin des années 60, elles ne correspondent plus aux besoins de la société actuelle. Ce que prouve bien le fait que TOUTES les institutions musicales de l’Hexagone, les Opéras comme les Orchestres nationaux, ont éprouvé l’impérieux besoin de créer leurs propres services « Jeune public » en relation avec les rectorats et les établissements d’enseignement général.

De l’Orchestre de Paris à ceux de la Radio, en passant par l’Opéra de Paris, le Théâtre des Champs-Elysées ou le Châtelet, le Capitole de Toulouse ou l’Opéra du Rhin, tous veillent à susciter une relève de leur public en sensibilisant, souvent avec l’aide du mécénat privé, les jeunes issus parfois de zones dites sensibles. Les résultats sont prodigieux et suffisent à justifier les subventions que la puissance publique alloue à ces institutions. Pourquoi l’Etat, en l’espèce le ministère de la Culture via sa Direction de la musique, ne prendrait-il pas la responsabilité d’unifier ces initiatives parcellaires en organisant, une ou deux fois par an, des concerts globaux pour les jeunes dont l’éclat attirerait l’attention des médias audiovisuels ? Un Pierre Boulez, un Georges Prêtre, un Jean-Claude Casadesus, un Michel Plasson, un Serge Baudo, voire, venu de l’étranger, un Colin Davis seraient tout disposés à diriger l’Orchestre des cadets du Conservatoire de Paris ou d’ailleurs dans un Zénith ou dans un Palais des sports.

L’argent ne serait pas un problème dès lors qu’il y aurait diffusion en direct à la télévision : comme un match de foot !

Jacques Doucelin

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Photo : DR
 

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