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​Klaus Mäkelä et l’Orchestre de Paris – Festin waltonien – Compte-rendu

 
Rien, fors Purcell et Britten : les préjugés de la France sur la musique anglaise ont fait bien des dégâts et, même si la situation s’est nettement améliorée s’agissant la diffusion des trésors de la musique élisabéthaine (la nouvelle génération des musiciens baroques français y a d’ailleurs beaucoup contribué (1)), nombre de compositeurs d’outre-Manche demeurent scandaleusement sous-représentés dans les programmes de nos phalanges symphoniques. Plutôt que dans un énième Mahler, que l’on aimerait les entendre plus souvent chez Elgar, Vaughan Williams, Delius, Malcolm Arnold ou William Walton (1902-1983) ...
Il est heureusement des exceptions et, s’agissant de ce dernier artiste, on a eu le plaisir de retrouver l’Orchestre de Paris et Klaus Mäkelä dans l’une de ses grandes partitions ; de surcroît l’une des réalisation chorales majeures du dernier siècle : Belshazzar’s Feast (Le Festin de Balthazar, 1931) – une composition colossale à ranger à côté du Psaume XLVII de Florent Schmitt.
 

© Denis Allard

Œuvre d’un artiste d’à peine plus de trente ans, cette pièce pour chœur mixte, baryton solo et orchestre sort les grands moyens pour narrer la chute de Babylone. Walton, qui s’illustrera souvent par la suite au cinéma, avec entre autres trois Shakespeare réalisés par Laurence Olivier, manifeste d’emblée ici son formidable sens de l’image, servi par une écriture au relief saisissant –  et d’une difficulté redoutable pour le chœur. Aucune inquiétude à avoir sur ce plan en l’occurrence : l’entente entre le Chœur de l’Orchestre de Paris (dir. Marc Korovitch) et le Cambridge University Symphony Chorus (dir. Richard Wilberforce) s’avère on ne plus cordiale et le résultat exemplaire d’implication et de projection ! Quant à Mäkelä, à la tête d’instrumentistes engagés corps et âme, il domine la partition avec un souffle puissant et tire parti d’un matériau souvent âpre et abrupt, parvenant à un résultat sauvage et dramatique, avant la jubilation de l’épisode conclusif. Quant Sir Willard White, par son allure et ses accents de prophète biblique, il est l’homme de la situation et tient sa partie avec une noblesse idéale. Accueil enthousiaste d’un public très nombreux où l’on relève avec plaisir la présence de nombreux jeunes auditeurs.
 
Que l’on aurait aimé qu’un tel moment constitue la seconde partie d’un programme tout waltonien. On aurait bien vu avant l’entracte le Concerto pour violoncelle ou, mieux encore, le Concerto pour alto, antérieur de trois ans seulement au Festin et parmi les plus beaux ouvrages pour cet instrument. L’Orchestre de Paris a préférer miser sur un compositeur plus populaire : Dmitri Chostakovitch. La Suite pour orchestre de variété n° 1, avec sa célèbre Valse – un peu élimée, il faut tout de même l’avouer – ouvrait le concert, moment de légèreté et de plaisir pur que les interprètes ont abordé comme tel. Le climat est autrement plus sombre dans le tardif Concerto pour violoncelle n° 2 (1966). Sol Gabetta s’y est taillé un beau succès avec une interprétation d’une qualité d’intonation remarquable mais qui manquait à notre sens de noirceur et ne plongeait pas suffisamment au cœur d’une partition que l’auteur a décrite comme « la 14Symphonie avec une partie de violoncelle solo ».

 
Alain Cochard
 

(1) dont, pour prendre l'exemple d'une parution très récente, l'admirable album "Blessed Echoes" de l'Ensemble Près de votre oreille de Robin Pharo (Paraty)

 Paris, Grande Salle de la Philharmonie, 31 mai 2023

 
Photo © Denis Allard

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