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José Cura et Camilla Nylund Salle Pleyel Un retour exaltant - Compte-rendu

Absent des plateaux parisiens depuis trop longtemps, José Cura (photo) était de retour mardi dernier à Pleyel. visiblement heureux de retrouver la capitale, celui-ci n'a pas hésité à s'adresser au public pour lui rappeler que ces douze années avaient été bien longues. Dans une condition vocale magnifique, le ténor argentin s'est très rapidement chauffé avec un massif « Si puo » (I Pagliacci) en lever de rideau, suivi par un très émouvant « Vesti la giubba » sans débordement émotionnel et avec une ligne contrôlée, avant d'interpréter le splendide duo de La Fanciulla del West de Puccini « Mister Johnson, siete rimaste indietro » avec Camilla Nylund.

Peu à son avantage dans l'air de Nedda « Qual fiamma avea nel guardo », à l'élan mesuré et à l'aigu rétréci, la soprano finlandaise s'est totalement libérée pour livrer un portrait sobre et poignant de Minnie, héroïne frémissante sous une carapace de façade, aidée il est vrai par son partenaire, mais également par le chef Mario de Rose d'une finesse et d'une musicalité exemplaires, ici comme dans le reste du programme, à la tête de l'Orchestre National d'Ile-de-France.

La seconde partie consacrée à l'Otello verdien a produit l'effet attendu sur le public, heureux d’entendre un couple vocal aussi parfaitement assorti. Les couleurs, la sensualité et le temps suspendu qui caractérisent le duo d'amour du premier acte, étaient rendus avec une extrême justesse par ces deux interprètes sensibles et subtils. Le contraste avec la seconde confrontation « Dio ti giocondi, o sposo » était d'autant plus saisissant, José Cura sortant ses griffes pour montrer les premiers effets de la jalousie et accuser la douce Desdemona des pires dépravations. Face à cet être cyclothymique, capable de passer de la délicatesse à la violence dans lequel le ténor excelle, Camilla Nylund imposait une belle résistance, la luminosité de son timbre s'obscurcissant dans le grave poitriné quand il le fallait, pour récuser de toutes ses forces ces folles accusations. Très expressive pendant la « Chanson du saule », conduite avec grâce jusque dans le registre aigu, Camilla Nylund a su tenir tête à son collègue, dont la voix pleine et les accents désespérés, qui avaient fait tout le prix de sa dernière prestation parisienne au Théâtre du Châtelet (en mars et avril 2001 avec Karita Mattila) ont une fois encore rendu justice à ce personnage hors norme.

Le public ne s'y est pas trompé, réservant une ovation à ce chanteur au style parfois relâché et dont les libertés n'ont pas toujours été appréciées ; les larmes aux yeux, sincèrement ému, Cura est d'abord revenu pour un interpréter un standard inattendu « O soave fanciulla » de La Bohème, plutôt convaincant, puis pour effectuer un puissant « Nessun dorma » de Turandot, à l'aigu conquérant. Un retour exaltant.

François Lesueur

Paris, Salle Pleyel, 8 octobre 2013

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Photo : DR
 

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