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​Jodyline Gallavardin en récital aux Pianissimes (Musée Guimet) – Une conteuse au piano – Compte-rendu

 

Les récitals de piano se suivent et ne se ressemblent pas ! Vingt-quatre heures après la Philharmonie et un Rafal Blechacz dont le programme mal ficelé et mené de façon tiédasse, boutonnée et souvent chichiteuse nous a prodigieusement ennuyé et agacé, le bonheur était grand de retrouver Jodyline Gallavardin sur la scène de l’auditorium du Musée Guimet, dans le cadre de la riche saison des Pianissimes.
 
On a découvert cette jeune interprète à la fin de la saison passée, à l’occasion du récital qui accompagnait la sortie d’un premier enregistrement intitulé « Lost Paradises » chez Scala Music.(1) L’art de construire un programme qu’illustre ce disque, largement et très justement acclamé, caractérise tout autant le récital qu’elle vient d’offrir, où l’on retrouvait d’ailleurs quelques une des pièces présentes sur le CD : Séverac : Les muletiers devant le Christ de Llivia, Ravel : La Valse et Schubert/Liszt : Auf dem Wasser zu singen.  
 

© jodylinegallavardin.com

Cette transcription fameuse et celle, non moins célèbre, de Gretchen am Spinnrade ouvrent la soirée, abordées d’un jeu généreux et bien timbré qui sait traduire l’amoureuse appropriation à laquelle procède le piano lisztien sans perdre de vue sa source – la ligne de chant.
Nouvelle au répertoire de la pianiste (qui la donne pour la première fois en public) la Sonate n° 2 de Scriabine se révèle par moment encore un peu jeune sous ses doigts. Reste que les options sont les bonnes : le sens des plans sonores, la variété des coloris démontrent que, par-delà la dimension post-romantique à laquelle on réduit trop facilement l’Opus 19, Jodyline Gallavardin comprend la singularité de Scriabine, déjà bien présente dans une musique en devenir ; une écriture foisonnante de potentialités. Des couleurs, à foison, on en savoure à nouveau dans la Fantaisie op. 28 du musicien russe, trop rare dans les programmes, et ici emportée avec un souffle et un lyrisme enivrants.
 

© Les Pianissimes

Changement de climat avec le Thème et variations op. 73 de Fauré, partition injustement mal aimée au cours de laquelle l’interprète manifeste un sens poétique consommé, à la manière d’une conteuse. Le cycle fauréen débouche sur Les muletiers de Déodat de Séverac : quintessencié, le résultat s’avère tout simplement magique – l’auditoire retient son souffle ... Jodyline Gallavardin recueille les fruits d’une longue fréquentation de cette pièce, temps fort déjà de ses « Paradis perdus ». On peut en dire autant de La Valse de Ravel, concentrée, vénéneuse, sans le moindre effet de manche - et foudroyante en sa conclusion ! Le mot de la fin revient à la pure poésie avec, en bis, Granen (L’Epicéa), dernière des Cinq Pièces op. 75 de Sibelius.
 
De remarquables jeunes talents restent à découvrir aux Pianissimes d’ici à la fin de la saison, en musique de chambre et en récital : Ionah Maiatsky, Joschka Fléchet-Lessin et Paul-Marie Kuzma dans un très original programme Franck, Hahn, Pierné (14/04), puis Keigo Mukawa (21 mai), 2ème Prix du Concours Reine Elisabeth 2021 et ravélien hors pair, et enfin Gaspard Thomas au sein du Quatuor Stendhal (récemment fondé avec Marie-Astrid Hulot, Antonin Le Faure et Jean-Baptiste Maizières) (7 juin).
 
Alain Cochard
 

 Paris, Auditorium du Musée Guimet, 16 mars 2023

(1) www.concertclassic.com/article/jodyline-gallavardin-en-recital-la-scala-paris-paradis-perdus-compte-rendu
On pourra à nouveau entendre Jodyline Gallavardin dans son programme "Lost Paradises" le 21 mai (11h) à Cambrai (Musée Matisse) et  25 mai 2023 (19h30) à la Scala Paris.
 
 
Saison 2022/2023 des Pianissimes : www.pianissimes.org/saison-2022-23/

Photo © Les Pianissimes

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