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Iphigénie en Tauride au Grand Théâtre de Genève – Surcharge d’intentions - Compte-rendu

Œuvre de la maturité de Gluck (1714-1787), Iphigénie en Tauride (1779) exprime avec une simplicité toute classique le paroxysme de la tragédie et les déchirements humains, simplicité qui ne se retrouve pas dans cette production du Grand Théâtre de Genève. La faute en incombe en grande partie au metteur en scène Lukas Hemleb qui, en choisissant une mise en abyme à travers les personnages et leurs doubles figurés par des poupées-marionnettes – au demeurant superbement vêtues de costumes signés Andrea Schmidt-Futterer – complexifie à l’envi le regard porté sur l’action.
L’idée du designer et sculpteur Alexander Polzin de transposer l’opéra dans un univers où l’Antiquité (les ruines d’un amphithéâtre tagué) rejoint l’Orient avec les masques Nô ne constitue pas en soi une aberration, mais la lourdeur appuyée de la direction d’acteurs gêne le déplacement des chanteurs trop sollicités par la surcharge d’intentions.
 
On attendait dans le rôle-titre Anna Caterina Antonacci (en alternance avec Mireille Delunsch) dont on connaît la sensibilité à la déclamation française et l’autorité théâtrale. Grimée à l’excès, quasi méconnaissable, elle sait instiller de la noblesse à l’héroïne dans le conflit qui la taraude entre cœur et raison. Si la voix continue de séduire (malgré quelques baisses de régime dans les airs), elle paraît peu à l’aise dans le complexe espace imaginé par Hemleb et perd une part de son ardeur et de son sens dramatique.
Le Pylade de Steve Davislim, convaincant, tire mieux son épingle du jeu que l’Oreste de Bruno Taddia, sans nuances et dépassé par l’enjeu. La basse Alexey Tikhomirov à la voix charbonneuse et sans charme n’impose jamais un Thoas crédible, et l’apparition de Julienne Walker en Diane manque de souffle et d’incarnation.
 
La direction, sûre certes mais trop précautionneuse, d’Hartmut Haenchen à la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande ne transporte guère (même dans la scène d’orage) bien que les musiciens, peu habitués à ce répertoire, s’en sortent plutôt bien. Le Chœur du Grand Théâtre de Genève tient bien son rôle et fait preuve pour l’essentiel d’homogénéité dans une production qui, globalement, laisse sur sa faim.
 
Michel Le Naour
 
Gluck : Iphigénie en Tauride - Genève, Grand Théâtre, 2 février 2015
 
Photo © Carole Parodi

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