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Il Pirata en version de concert au San Carlo de Naples (Streaming) – Nouveau trophée bellinien pour Sondra Radvanovsky

L’opéra n’est pas mort et, même sans public, les grands temples lyriques poursuivent leur mission en s’adaptant aux contraintes imposées par la crise sanitaire. Il Pirata n’était pas prévu au San Carlo de Naples, mais son directeur, Stéphane Lissner, a choisi ce titre pour le substituer à une production de Rigoletto trop lourde à monter. Sondra Radvanovsky a profité de l’occasion pour chanter enfin Imogene en direct et effacer ainsi son rendez-vous raté avec l’ouvrage de Bellini, annulé en raison de la grève des personnels de l’Opéra de Paris en décembre 2019, qu’elle avait seulement pu répéter (la générale avec Spyres et Tézier est accessible sur youtube). (1)
Sondra Radvanovsky © Teatro San Carlo

Après avoir triomphé des Reines donizettiennes, mais également de la Poalina de Poliuto à Barcelona et de s’être illustrée à plusieurs reprises dans Norma, véritable sommet bellinien, la soprano canadienne ajoute donc un nouveau trophée à son palmarès belcantiste. Souveraine dans l’art déclamatoire comme dans la vaillance, la cantatrice instille au drame sa tension et parvient à faire fusionner dans un même irrésistible élan, la cantilène extatique propre au style romantique et la virtuosité « di forza » dont Verdi retiendra la leçon. De chaque linéament de cette partition périlleuse créée par Henriette Meric-Lalande (qui fut également la première Alaïde de La Straniera toujours de Bellini), Sondra Radvanovsky fait ainsi son miel, défiant les écarts de tessiture, se jouant des envolées vers l’aigu et maîtrisant comme personne chaque nuance pour conclure avec une scène de folie tout simplement hallucinée, dont elle déjoue les pièges avec brio –  plus encore qu’à Paris où le timbre était davantage crispé.
 

Celso Albelo © Teatro San Carlo 

Une telle leçon de chant méritait mieux que l’honnête réplique donnée par Celso Albelo dont la prestation engoncée, desservie par une émission poussive et des aigus arrachés, n’est pas à la hauteur de Gualtiero, rôle-titre confié à l’origine à Giovanni Rubini : Gregory Kunde, Michael Spyres ou Javier Camarena qui doit prochainement participer à une intégrale auprès de Marina Rebeka, auraient été idéaux. Si Ludovic Tézier avait été libre (comme à Garnier en décembre 2019), on imagine aisément quel Ernesto magnifique il aurait pu offrir ; faute de grives nous devons nous contenter de Luca Salsi, égaré dans un répertoire qu’il piétine et tire grossièrement du côté du vérisme. Les comprimari, Francesco Pittari (Itulbo), Emanuele Cordaro (Goffredo) et Anna Maria Sarra (Adele) sont en revanche de grande tenue tout comme les membres du chœur et de l’orchestre du San Carlo dirigé par Antonino Fogliani, un chef compétent qui offre une satisfaisante lecture du chef-d’œuvre de Bellini.

François Lesueur

(1) www.youtube.com/watch?v=G92q5eMze3M

Vincenzo Bellini : Il Pirata – Naples, Teatro San Carlo, 5 février 2021 – Disponible jusqu'au 28 février 2021 (2,29 €) sur https://www.mymovies.it/ondemand/teatrosancarlo/movie/tsc-pirata/
 
Photo © Teatro San Carlo

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