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Hommage musical à Victor Segalen au Hulegoat – Harmonie des sphères – Compte-rendu

Situé en Centre Bretagne, le village finistérien du Huelgoat doit sa réputation à ses impressionnants chaos granitiques modelés par l’érosion si propices à l’éclosion du fantastique arthurien. L’écrivain brestois Victor Segalen (1878-1919) y mourut dans la forêt attenante un exemplaire d’Hamlet à la main, et une stèle lui est dédiée au cœur de ce dernier sanctuaire du druidisme. On doit au dynamisme de Françoise Livinec d’avoir initié des rencontres littéraires, « L’été des 13 dimanches », réunissant des auteurs tels Mona Ozouf, Michel Onfray, Alain Rey, etc. Inscrit dans ce contexte, un week-end musical coordonné par la pianiste Anne Le Bozec rend hommage à Segalen autour de « Stèles Sonores » qui mettent en correspondance ses centres d’intérêt, les horizons qui lui sont chers (en premier lieu la mer) et ses rencontres en amitié (Paul Claudel, Henri Duparc et son cousin le compositeur Jean Cras, lui aussi marin).

Anne Le Bozec © Caroline Doutre
 
Sous le préau de la cour de récréation de l’ancienne école des filles – devenu Espace d’art –, récital le matin de Françoise Masset (photo) accompagnée par Anne Le Bozec. Autour du chaos de la guerre sont déclinées des mélodies composées (sur des poèmes de Paul Fort, Guillaume Apollinaire, Déodat de Séverac et d’autres plus anonymes) par des musiciens ayant vécu les années de la Grande Guerre. Certains y laisseront même leur vie tel l’Allemand Rudi Stephan mort au front en Ukraine en 1915, à l’âge de 27 ans. La soprano offre un modèle de diction avec une profonde compréhension du texte, un timbre généreux (en bis, de Fauré, les expressifs « Vaisseaux, nous vous aurons aimés » de L’Horizon chimérique) et une émotion sensible partagée par une pianiste aussi complice qu’empathique.
 
L’après-midi, dans l’église de Brennilis, le violoncelliste Alain Meunier joue les Suites nos 1 et 3 de J-S. Bach dans un programme intitulé « Stèles du milieu » qui met en exergue l’équilibre et l’harmonie si familiers à l’œuvre du Cantor. Interprétation noble et intériorisée qui témoigne d’une pratique régulière de ces pages célestes dont le soliste sait extraire toute la substance chorégraphique dans une lecture pleinement maîtrisée et très personnelle se situant à mi-chemin entre sensualité et intellect. Bis méditatif avec la Sarabande de la 5ème Suite qui fait écho à une manifestation ancrée dans la mémoire mais aussi portée au rêve et à la spiritualité.
 
Michel Le Naour

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Huelgoat, Espace d’art / Brennilis, Eglise, 1er juillet 2018 // francoiselivinec.com/fr/ecoledesfilles/article/179/ete-des-13-dimanches

Photo © DR

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