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Hänsel und Gretel à Angers-Nantes Opéra - Poubelles et gâteaux – Compte-rendu

La Parabole ou le Conte ? Le dilemme se pose à tout metteur en scène abordant aujourd’hui Hänsel und Gretel, Emmanuelle Bastet s’est bien gardée de choisir.
Les deux premiers actes où le livret d’Adelheid Wette ne parle que de famine,  d’alcoolisme, de misère, de perdition et d’abandon en se donnant tout juste la peine de les couvrir d’un mince vernis de comédie, sont en noir et gris, logis de bennes à ordures « clean », aseptisées, forêt de lampadaires sinistres, un univers mort où même les fraisiers du bois sont des petite poubelles, et jusqu’à la hotte du Marchand de sable, poubelle pailletée d’où il répand son brillant mica.
Dans cet univers quasiment post-atomique, les enfants restent des enfants et le mélodrame entre les parents se pare lui aussi d’une note d’enfance – Vincent le Texier heureux comme un gamin sur sa trottinette, Eva Vogel transformant les reproches en tendresses – manière d’éloigner le pathos pour faire apparaître l’émotion qui vous saisit d’un coup lorsqu’à la fin du « Traum » qui clôt le second tableau, les rats et les chats de la forêt font une échelle pour que les enfants puissent approcher des pommes d’or venues du ciel. Entracte.

© Jef Rabillon / Angers-Nantes Opéra

Mais que va-t-elle faire de sa sorcière ? Le rideau s’ouvre ;  adieu lampadaires, adieu poubelles, Elisabeth II trône sur son canapé en apesanteur au-dessus d’un cirque de gâteaux, prenant son thé guettée par un impayable matou mi-amant mi-majordome. Le tout en couleurs « totally british » : on se croirait dans le Casse-noisette de Matthew Bourne !  Comédie absolue, déjantée, qui culmine lorsque  d’un geste, la Reine d’Angleterre se transforme en Rita Hayworth avec son légendaire fume-cigarette et ses emblématique gants infinis. La Sorcière c’est Jeannette Fischer, impayable, irrésistible comme toujours dans les emplois de caractère qui lui collent à la peau, et le décalque de la fameuse scène de Gilda (Put the blame on Mame) la montre dans tout son art. Car derrière l’éclate, la finesse du jeu, la subtilité des sentiments ne s’oublient jamais.

Secret de l’ambiguïté du spectacle et de la constance parallèle de ses différents niveaux de lecture, la direction d’acteur où Emmanuelle Bastet met, production après production, une syntaxe de plus en plus profuse. Les chanteurs s’y retrouvent,  confrontés à de vrais personnages : Marie Lenormand, Hänsel gourmand et un peu pleutre, Vincent le Texier, Peter plein d’entrain dont l’ivresse est subtilement composée, Eva Vogel, mère tirée à quatre épingles dont la sévérité fond à vue d’œil, Dima Bawab Marchand de sable attentionné, Fée Rosée pimpante, mais tous laissaient la primauté à la Gretel de Norma Nahoun, physique de gamine, voix de star,  dont les aigus de grâce, les phrases joueuses et émues emplissaient Graslin d’un grand soleil, portés  par la direction de Thomas Rosner, qui jamais n’oubliait de faire sonner à travers l’orchestre d’ Humperdinck celui de son mentor : Wagner !

Jean-Charles Hoffelé

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Humperdinck : Hänsel und Gretel – Nantes, Théâtre Graslin, 15 décembre, prochaines représentations le 18 décembre 2015 (Nantes ) et les 5 et 6 janvier 2016 (Angers, le Quai) / www.angers-nantes-opera.com/hansel.html
 
Photo © Jef Rabillon / Angers-Nantes Opéra

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