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Don Carlo au TCE - Bravo Torino - Compte-rendu

Gianandrea Noseda (photo) dirige Verdi avec vigueur et mène quand cela est nécessaire sa phalange turinoise à la cravache, pour enflammer les lignes et porter le discours jusqu'au paroxysme attendu. Comme bien des chefs avant lui, son Don Carlo ne supporte pas les temps morts, soutenu par un tempo résolument nerveux qui précipite l'auditeur d'une scène à l'autre, quitte à lui couper le souffle. Mais ce Verdi puissamment charpenté, tourmenté, au geste large, sait également faire la part belle à la douleur ou à l’introspection et mettre à jour les faiblesses de l'âme humaine. Dans ces moments de solitude extrême où l'homme est face à son destin (monologue de Philippe II, mort de Posa, prélude du second acte), les harmonies s'adoucissent et les arêtes s’émoussent pour révéler alors la finesse de touche poétique dont est capable le compositeur italien.

Après quelques inquiétudes occasionnées par l'absence de Ramon Vargas, remplacé par l'un des plus grands titulaires actuels, Stefano Secco, et l'annonce des refroidissements de Ludovic Tézier et de Barbara Frittoli, le public a pu juger sur pièce chacun des membres d'une distribution prestigieuse, qui prolongeait au concert la production turinoise mise en scène par Hugo de Ana présentée pendant le mois d'avril au Teatro Regio.

Basse exceptionnelle tant par la qualité du timbre et la tenue vocale souveraine, que par l'interprétation subtile, Ildar Abdrazakov a reçu un accueil triomphal dans le rôle de Philippe II, dans lequel il égale Boris Christoff. Difficile d'exister vraiment auprès d'un partenaire de cette stature : Roberto Tagliavini, Moine au volume scabreux, en fait les frais, tout comme Marco Spotti, Grand Inquisiteur qui court après ses graves. Indisposé, Ludovic Tézier est tout de même parvenu à « sauver » ce Marquis de Posa qu'il possède aujourd'hui comme peu de barytons, certes sans dépasser sa dernière prestation parisienne (1), mais en confortant une approche maîtrisée qui s'appuie sur une irréprochable technique de chant.

Troquant le bel canto dans lequel elle s'est fait connaître, pour la Princesse Eboli qui fait appel à une autre école, Daniela Barcellona a su s'emparer du rôle avec brio et faire preuve d'un bel engagement dramatique. Verdienne reconnue, Barbara Frittoli a lutté courageusement contre une indisposition qui l'a contrainte à aborder le personnage d'Elisabetta avec plus de précautions que d'habitude et à négocier de son mieux grands écarts et longues phrases sur le souffle, grâce à une technique aguerrie. Appelé en catastrophe, Stefano Secco au sommet de ses moyens, a quant à lui livré un portrait de l'Infant d'Espagne impressionnant. Sa voix latine et moelleuse, ses aigus enflammés, l'urgence de son expression ont fait le prix de cette performance vocale, où la personnalité névrotique de ce héros blessé, rattrapé par son destin et dont chaque entreprise est vouée à l'échec est habilement soulignée.

François Lesueur

(1)avec Stefano Secco à la Bastille en 2010, dans la mise en scène de Graham Vick.

Verdi : Don Carlo – Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 28 avril 2013.

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Photo : Ramella&Giannese
 

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