Journal
De la Maison des morts à l’Opéra National du Rhin - Opus ultimum
L’ultime opéra de Janacek, composé entre le 12 février 1927 et le 14 janvier 1928, restera pourtant très partiellement inachevé. Le compositeur avait annoncé un peu trop vite à Kamila Stosslova l’achèvement d’une partition à laquelle il allait encore revenir, corrigeant son orchestre, se débattant avec ses copistes mis à mal par sa graphie si complexe. Finalement il emporta le manuscrit dans sa maison de vacances d’Hukvaldy pour le retoucher encore, mais une pneumonie l’emporta soudainement le 12 août 1928.
S’il avait bien été au bout du livret et de l’action (ou plutôt de la non-action) dramatique de son opus ultime, on ne saura donc rien des dernières modifications qu’il comptait y apporter. Mais ses disciples ne se privèrent pas d’y mettre leur grain de sel, Bretislav Bakala substituant au final voulu par Janacek un hymne à la liberté qui paraît aujourd’hui presque incongru. En 1958 Universal publia en appendice de sa nouvelle édition la conclusion en l’état dans laquelle Janacek l’avait laissée, bien plus ouverte. Depuis Rafael Kubelik et Vaclav Neuman ont proposés leur propres solutions et, finalement, l’infatigable Charles Mackerras - aidé par John Tyrell - a livré une révision finale repartant des sources originales et du travail des copistes.
L’œuvre est d’une modernité absolue, la langue s’est substituée au chant, l’orchestre est devenu à la fois un personnage dramatique et un décor psychologique, le sujet lui-même, ce bagne décrit par Dostoïevski au travers de caractères tour à tour puissants ou désespérés, tout ici pousse Janacek a écrire un opéra modèle pour la modernité du genre. Robert Carsen (photo) boucle avec celui-ci son cycle Janacek strasbourgeois, qui lui a valu tant de bravos. Mais relever le gant dans une œuvre si puissamment marquée voici quelques saisons par Patrice Chéreau est risqué. Dans cet univers carcéral et quotidien, où l’humiliation le dispute à la résignation, Carsen devra aller plus loin dans son langage, aller en fait à l’essentiel de sa pensée de dramaturge.
On espère beaucoup de son regard, comme d’une distribution finement appariée : Peter Straka en Filka Morosov, Adrian Thompson en Grand Forçat, Andreas Jäggi en Skuratov, cela promet beaucoup même si nos regards iront d’abord au Gorjantchikov de Nicolas Cavalier. Côté baguette, on guette avec impatience Marko Letonja à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg
Jean-Charles Hoffelé
Janacek : De la Maison des morts
Le 27, 29, septembre, 1er, 3 et 5 octobre 2013
Strasbourg, Opéra National du Rhin
Les 18 et 10 octobre 2013
Mulhouse, La Filature
www.operanationaldurhin.eu
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Photo : DR
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