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Compte-rendu : XXIème Festival de Saint-Eustache : de Liszt et Rachmaninov aux Touareg de Florentz - Sarah Kim et Jean-Baptiste Monnot


La seconde console, mobile, de l'orgue de Saint-Eustache ayant lâché après vingt ans de bons et loyaux services (de retour chez les facteurs van den Heuvel, elle y a été rénovée), l'édition 2010 du Festival, traditionnellement au printemps, fut reportée à l'automne. Réinstallée dans la nef (encore quelques réglages pour plus de fiabilité), la console a repris ses fonctions, notamment de lien avec le public, qui entoure l'instrumentiste. Que cet orgue monumental n'a rien perdu de son aura, c'est ce que Sarah Kim et Jean-Baptiste Monnot ont démontré avec une sereine maîtrise et un panache réellement à toute épreuve.



La soirée débuta avec la version syncrétique du Prélude (orgue, 1855/1870) ou Fantaisie (piano, 1871) et Fugue sur B.A.C.H. de Liszt due à Jean Guillou et interprétée par J.-B. Monnot. Entendu en cours de saison dans la transcription pour orgue par Bernhard Haas de la Sonate en si mineur de Liszt (qu'il joue magnifiquement au piano, double appartenance instrumentale dont l'orgue indéniablement profite sous ses doigts), Monnot gratifia d'emblée le public d'un niveau saisissant de tension, orchestrant avec autant de gravité que de mystère ce diptyque toujours aussi fascinant. Puis Sarah Kim (avec Monnot pour la troisième main prévue par cette partition d'une redoutable difficulté) interpréta La Croix du Sud (2000) de Jean-Louis Florentz (1947-2004), « poème symphonique sur un poème touareg », écho des nombreux voyages du musicien dans le Hoggar, au sud du Sahara – œuvre d'un foisonnement indescriptible, l'une des plus intensément « africaines » de Florentz.



La seconde partie permit de réentendre les Danses Symphoniques de Rachmaninov – son œuvre ultime (1940) – transcrites par Jean Guillou pour deux organistes (d'après les versions orchestre et deux pianos). Prodigieusement instrumentées (pas moins de neuf heures pour le seul choix des registrations !), ces Danses sonnent à l'orgue au-delà de toute espérance, sans jamais trahir ni Rachmaninov ni l'instrument – foncièrement orchestral, pleinement symphonique. Après un mouvement initial tellement monumental que l'on se demande par quel miracle les interprètes parviennent à maintenir une telle tension, le fameux et troublant Tempo di Valse, tragique et envoûtant, fut une splendeur – et le finale, d'une élaboration si complexe, un défi de chaque instant, assumé haut la main. Épuisés ? Assurément, mais sans le montrer le moins du monde – donc un bis, inattendu, inespéré : la Danse rituelle du feu de L'Amour sorcier de Manuel de Falla, d'un mouvement hypnotique décuplé par l'acoustique et assurément la force de tout ce qui avait précédé.



Michel Roubinet



XXIème Festival de Saint-Eustache, vendredi 22 octobre 2010, église Saint-Eustache, Paris



Sites Internet :



Festival de Saint-Eustache

http://www.orgue-saint-eustache.com/Festival.htm

Sarah Kim (site de l'Association des Grandes Orgues de Chartres)

http://orgues.chartres.free.fr/kim.htm

Jean-Baptiste Monnot

http://jbmonnot.aliceblogs.fr/

Les Éditions Symétrie (où vient de paraître une nouvelle édition du livre de Jean Guillou L'Orgue, souvenir et avenir : http://www.symetrie.com/fr/edition/jean.guillou/l-orgue-souvenir-et-avenir), ont publié un ouvrage consacré à l'œuvre d'orgue de Jean-Louis Florentz, « témoignages croisés » réunis et présentés par Marie-Louise Langlais et complétés de deux CD (Laudes op.5, Debout sur le soleil op.8, La Croix du Sud op.15, Prélude de L'Enfant noir op.17-1) : http://www.symetrie.com/fr/contact/presse/parution-florentz-orgue-langlais


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Photo : DR

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