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Compte-rendu - Vienne : La Femme silencieuse au Staatsoper - Equilibre et lisibilité


La Femme silencieuse (Die schweigsame Frau) de Richard Strauss créée à Dresde en 1935 dans les pires conditions historiques du nazisme triomphant, sur un livret de Stefan Zweig, ne bénéficie pas aujourd’hui du même engouement que d’autres ouvrages lyriques du compositeur allemand. Sans doute cet opéra comique – pastiche qui décrit la manière dont un amiral en retraite, désireux de vivre dans le calme, se trouve dupé par son entourage à la suite d’un mariage déguisé avec une femme silencieuse devenue une véritable furie – ne possède-t-il pas la même inventivité que Falstaff de Verdi ou Les Fiançailles au couvent de Prokofiev. En outre, le texte parlé souvent envahissant et parfois déconnecté de la musique peut constituer un handicap à la progression de l’action. Il faut rendre justice à cette production du Staatsoper de Vienne (dont la Première remonte au 21 décembre 1996) qui fonctionne harmonieusement grâce à l’homogénéité d’une troupe de chanteurs bien distribués et une mise en scène très lisible dans un décor à deux niveaux en forme de cabine de bateau.

En outre la direction rôdée de Peter Schneider à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Vienne, à la fois précise et sans états d’âme, donne sans cesse du sens à une partition un peu hybride par sa simplicité et son absence d’emphase. Dans le personnage omniprésent de Sir Morosus, la basse autrichienne Kurt Rydl, met à profit non seulement le talent d’acteur qu’on lui connaît mais aussi une voix proche de celle du baron Ochs du Chevalier à la rose avec une fermeté de ton et une aisance sans jamais laisser apparaître quelque signe de fatigue. Aminta (en réalité une prima donna épouse d’Henry, le neveu de Sir Morosus), femme prétendument silencieuse, est superbement jouée et chantée par la soprano Jane Archibald qui s’empare in fine de son rôle avec une hystérie contagieuse.

Henry, le neveu déshérité, est servi par le ténor Michael Schade avec une fraîcheur et une subtilité quasi mozartiennes. La gouvernante de l’Amiral, Janina Baechle (presque à contre-emploi car elle se réalise davantage dans les rôles wagnériens de la Tétralogie), comme les autres protagonistes (le Barbier de Adrian Eröd qui monte tout le stratagème du faux mariage, et toute la troupe des comédiens-chanteurs), rendent justice à ces deux heures trente de texte et de musique qui, sans eux, auraient pu par moment se perdre dans les sables du désert.

Michel Le Naour

Strauss : La Femme silencieuse - Vienne, Staatsoper, 28 juin 2009

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Photo : DR

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