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Compte-rendu - Un Pierrot bien triste


L’exposition Kandinsky au Centre Pompidou (du 8 avril au 10 août) est l’occasion pour l’Ircam de revenir sur la relation du peintre, fondateur de l’abstraction, avec Schoenberg. Il était tout à fait logique de programmer à cette occasion le fameux Pierrot lunaire de Schoenberg, composé en 1912, dans les années mêmes où Kandinsky et ses compagnons du Blaue Reiter insufflaient leur volonté d’affranchir la peinture de ses barrières et conventions.

Si la direction de Laurent Cuniot, à la tête de l’ensemble TM+ rend bien toute la variété d’intentions et d’intonations voulue par Schoenberg quand il composa pour cet étrange quintette (piano, flûte, clarinette, violon, violoncelle), la voix d’Isabelle Menke (photo) est nettement plus problématique. Peinant souvent à s’affirmer aux côtés des instrumentistes, elle est une comédienne en manque de souffle dramatique, une chanteuse en panne de chant. Rares sont les moments où se retrouve l’équilibre propre au Sprechgesang, entre parlé et chanté.
C’est également une question d’équilibre que met en jeu …sofferte onde serene… (1976) de Luigi Nono, créée par Maurizio Pollini. Le pianiste italien se confrontait alors à son propre double, une bande magnétique enregistrée par lui et transformée par le compositeur dans les studios de la RAI de Milan. Les pianistes qui depuis ont interprété l’œuvre se confrontent donc à cette trace d’interprétation. Le jeu de Julien Le Pape, pianiste de l’ensemble TM+, n’a pas la vigueur, l’expressivité pure de celui de Maurizio Pollini. Le dialogue entre les deux voix (piano sur scène et hauts-parleurs) n’en revêt que plus d’étrangeté et trouve toujours, presque paradoxalement, sa résolution.

Le concert s’ouvrait avec une création du compositeur milanais Andrea Vigani qui semblait devoir faire le lien entre le Sprechgesang de Schoenberg et l’espace sonore élargi de Luigi Nono. Du premier, il ne reproduit qu’une déclamation plate qui ne relève guère un texte fragmentaire et faiblement signifiant ; du second, il ne parvient pas à égaler la poésie. Il est donc encore un peu tôt pour juger, à l’aune de cette création anecdotique, de l’apport du nouveau système de diffusion sonore créé par l’Ircam, baptisé « WFS ». Il faudra pour cela attendre la nouvelle œuvre de Philippe Schoeller, que créeront Barbara Hannigan et le Quatuor Arditti le 19 juin prochain, dans le cadre du festival Agora.

Jean-Guillaume Lebrun

Paris, Ircam, jeudi 9 avril 2009

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Photo : DR

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