Journal

Compte-rendu : Midori, Xian Zhang et l’Orchestre Philharmonique - Solidarité et révélation

Bien étrange concert que cet éventail de partitions rutilantes, exacerbées, jubilatoires, de Dukas à Rimski-Korsakov, avec au centre un plat de résistance névrotique, le 2e Concerto pour violon de Bartok s’étirant en tous sens comme une infinie douleur. Et concert symbolique à plus d’un titre : nimbé d’émotion certes, par l’offrande de sa recette, dévolue aux victimes du séisme japonais par l’orchestre, la salle, et les solistes, chef et violoniste. Symbolique surtout par l’appartenance de sa soliste, l’ex-enfant prodige Midori, aujourd’hui quarantenaire, à un pays dévasté, symbolique enfin par l’ultime sursaut contre l’adversité d’un Oiseau de feu toujours renaissant, sur lequel le concert se concluait en apothéose.

Entre ces deux extrêmes, l’origine asiatique du chef, la Chinoise Xian Zhang, ajoutait au dépaysement, car il est peu courant de voir à la tête de nos phalanges symphoniques une femme qui dirige autre chose que du baroque, comme Emmanuelle Haïm, ou de la musique contemporaine comme Suzanna Mälkki. Xian Zhang fait assurément partie de ces baguettes à l’énergie incendiaire façon Dudamel ou Vasquez, et aussi bien son Apprenti sorcier, que son Capriccio espagnol et enfin que la suite de L’Oiseau de feu (version 1919) ont conquis la salle par leur rapidité, leur netteté d’attaque et par la façon avec laquelle « la » chef a mis en valeur les interventions des divers solistes, notamment le hautbois, alors qu’elle n’est guère familière de cet orchestre, lequel lui a d’ailleurs réservé un hommage vibrant. Bref un état d’excitation totale, tant dans les formes que dans le fond de ce concert.

Reste l’épisode Midori : étrange, presque surnaturel par le raffinement de ses célèbres pianissimi, encore une fois dignes d’eux-mêmes, par la profondeur de son jeu à la fois lisse et torturé, comme se complaisant au cœur des méandres de ce 2e Concerto de Bartok, si étranger à la veine rythmique violente et offensive du compositeur. Baignant cette fois dans une lente complainte, style que Bartok avait déjà cultivé des ses déchirantes Nénies pour piano (1909-1910), alors que ce Concerto date de 1938, époque il est vrai peu propice à la joie de vivre au cœur de cette Hongrie qu’il allait quitter en 1940. La partition va bien au talent si particulier de la violoniste, portée par ses instincts humanitaires autant que musicaux.

Jacqueline Thuilleux

Paris, Salle Pleyel, le 18 mars 2011

Pour en savoir plus sur Xian Zhang : http://en.wikipedia.org/wiki/Xian_Zhang

> Programme détaillé et réservations de la Salle Pleyel

> Vous souhaitez répondre à l’auteur de cet article ?

> Lire les autres articles de Jacqueline Thuilleux

Photo : DR
 

Partager par emailImprimer

Derniers articles