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Compte-rendu : Luiz Fernando Pérez à la Folle Nuit Mirare - Un magicien du son


Concerts dans divers festivals, disques ; peu à peu la France découvre Luis Fernando Pérez. Après la disparition d’Alicia de Larrocha et tandis que, fringant septuagénaire, Joaquin Achucarro poursuit une active carrière internationale (qui ne passe hélas que trop rarement par la France – à qui la faute ?), Pérez (né en 1977) prouve que la relève du piano espagnol est parfaitement assurée. Mieux, qu’avec lui on tient l’un des interprètes majeurs de ce début de siècle.

A l’occasion de la Folle Nuit du label Mirare, Gaveau l’accueillait pour son premier récital parisien. Les auditeurs qui l’ont découvert là ne sont pas près d’oublier une grande heure de musique solaire et enivrante toute dédiée à Enrique Granados.

D’une poésie et d’un « chien » irrésistibles, trois des douze Danzas españolas (nos 1, 2 et 5) ouvrent le récital en beauté, tandis que les Valses poéticos donnent raison au pianiste de défendre ce recueil trop négligé. A la condition il est vrai de posséder les moyens techniques de la liberté et du chic qu’il y déploie – ce qui n’est pas à la portée du premier venu. On aurait voulu l’intégralité des Goyescas ; le temps imparti à l’interprète l’oblige à s’en tenir au Livre 1, augmenté du bondissant Pelele.

Les affinités de Pérez avec la musique d’Albeniz sont connues, celle de Granados lui réussit tout autant. Saturée de timbres, sa sonorité possède une ampleur exempte de toute opacité, de toute « graisse » - une pédalisation aussi sobre que musicale l’explique pour une bonne part - : on ne saurait mieux restituer à la fois l’héritage romantique dont la musique est porteuse – que Pérez assume avec un jeu d’une puissance quasi symphonique parfois – et la profonde hispanité du langage. A elle seule, l’attaque du Fandango del Candil suffit à démontrer à qui l’on a affaire ici.

El amor y la muerte et la Serenata del espectro nous ont sacrément manqués samedi dernier à Gaveau ! Un peu de patience, l’enregistrement du cycle complet est déjà en boîte et arrivera (chez Mirare) avec le printemps prochain.

Un récital ? Une fête des sens d’abord ! Salle sous le charme dont l’enthousiasme est récompensé par trois bis : Asturias d’Albéniz, Nocturne op 48/1 de Chopin et Hommage à Piaf de Poulenc – un clin d’œil du Madrilène à Paris et, peut-être, un hommage indirect à Viñes.

Alain Cochard

Paris, salle Gaveau, 20 novembre 2010

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Photo : DR

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