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Compte-rendu : Le Petit cheval bossu de Chtchedrine au Châtelet - Les contes du Mariinski

Un délice pimpant que ce voyage dans l’imaginaire russe, déroulé tout au long de sa brûlante histoire au XXe siècle, par le truchement d’une adorable fresque naïve. Il était une fois Bilibine, et ses illustrations porteuses de rêve, il était une fois Piotr Yerchov, conteur comme la Russie en a tant produits, il était aussi l’inévitable Ivan, héros naïf et récurrent au long d’une foule de contes, notamment dans les boîtes de papier mâché produites à Palek. Arrive ensuite papa Diaghilev, qui livre aux occidentaux un peu de ce trésor ethnographique.

Passent en bourrasque la Révolution et surtout le Constructivisme, qui transforme les courbes nourries et opulentes des illustrateurs d’avant 14, en blocs tranchés, en lignes droites et abruptes. Arrivent enfin des musiciens tels que Stravinsky, Prokofiev et Chostakovitch, la Sainte Trinité musicale du XXe siècle russe. Arrive aussi Rodion Chtchedrine, époux de la divine ballerine Maïa Plissetskaïa, et compositeur habile dont le talent ne pâtit pas de la synthèse efficace qu’il opère entre ses trois illustres pairs. Et aujourd’hui, en ce début du XXIe siècle, voici un chorégraphe doué, Alexei Ratmanski, qui sait secouer ce cocktail avec humour, fraîcheur et fidélité aux changements de styles, en rénovant une œuvre déjà ancienne (1955).

Le Petit cheval bossu, l’un des volets que de l’hommage que le Châtelet a consacré à Rodion Chtchedrine, est donc arrivé comme une corne d’abondance : celle que le Marriinski offre avec ses silhouettes féminines de rêve, son enthousiasme, sa jeunesse déchaînée et quelques révélations majeures, comme celle du tout jeune Leonid Sarafanov en Ivan et Grigori Popov en cheval, irrésistibles dans leurs bonds tourbillonnants. On rit devant le ridicule tsar de comptine enfantine, on rêve de princesses, on retourne à ses albums enfantins tous en parcourant un siècle d’histoire de l’art russe et même européen, sans un gramme de pompiérisme. Bref un petit chef-d’œuvre pas bossu du tout, et une soirée presque parfaite, si seulement Valery Gergiev, à la tête de l’Orchestre du Théâtre Mariinski, savait adapter sa fougue belliqueuse à l’acoustique si réverbérante du Châtelet.

Jacqueline Thuilleux

R. Chtchedrine : Le Petit cheval bossu – Paris, Châtelet, 1er novembre 2010

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Photo : DR
 

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