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Compte-rendu : Création du Requiem de Thierry Lancino - Un oratorio mondialisé

Les églises se sont peut-être vidées depuis le milieu du XXe siècle, le Requiem en tant que genre musical, lui, a la vie dure, preuve que la spiritualité continue de tarauder l’homme d’aujourd’hui. Ce qu’illustrent les Messes des morts signées Britten, Ligeti, Penderecki, Wolfgang Rihm ou Rebotier. Rien d’étonnant donc à ce que Thierry Lancino (né en 1954) parvenu à la maîtrise de son art, ait décidé de s’y confronter pour la commande qu’il a reçue de Radio France, du ministère de la Culture et de la Fondation Koussevitzky créée à Pleyel sous la baguette d’Eliahu Inbal.

Douze coups de gong ouvrent le cérémonial qui s’achève soixante-dix minutes plus tard avec un surprenant Amen assis sur un consensuel accord majeur. Entre les deux, Thierry Lancino et son librettiste Pascal Quignard déroulent une manière d’oratorio, à en croire le compositeur. Ils ne suivent, en effet, que de loin la liturgie traditionnelle y ajoutant ainsi deux figures bibliques inhabituelles, la sibylle de Cumes et David : la première réclame la mort en soulagement d’une trop longue vie terrestre, le second la vie éternelle. L’un et l’autre auront satisfaction au terme du parcours à en croire sa conclusion en majeur.

Ce qui frappe d’abord dans cette nouvelle partition, c’est son extrême liberté d’écriture et sa grande variété de ton. L’écriture vocale, souvent opulente et remarquablement défendue par les Chœurs de Radio France, plonge ses racines dans la musique religieuse, y compris la plus ancienne. Les quatre solistes vont du récitatif dépouillé à l’aria la plus ornée, nous réservant les plus belles surprises de la soirée. Je pense en particulier à l’Ingemisco très intimiste confié à la magnifique soprano américaine Heidi Grant Murphy accompagnée par les seuls violoncelles, ainsi qu’au bouleversant Lacrimosa, vaste lamento dont la déploration gagne le choeur et les quatre solistes.

La sibylle est confiée à la mezzo française Nora Gubisch, au timbre ingrat dans le medium, mais qui défend avec bravoure l’étrangeté de son personnage. Si le David du ténor australien Stuart Skelton a tendance à se laisser déborder par l’orchestre, il ne manque pas de brio dans l’aigu. La basse française Nicolas Courjal donne simplement l’image de la perfection dans le respect du style. L’écriture orchestrale est plus cosmopolite empruntant dans le Confutatis à l’extrême orient japonais, reflétant une certaine mondialisation de l’instrumentarium. Ce qui n’empêche pas le compositeur de maintenir une belle unité d’inspiration tout au long de sa nouvelle pièce dirigée avec le plus grand soin par Eliahu Inbal à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Radio France.

Jacques Doucelin

Paris, Salle Pleyel, 8 janvier 2010

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Photo : Steven Chaitoff
 

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