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Compte-rendu - Carmen à Toulouse - « Libre elle est née et libre elle mourra »


Peu de folklore, de lumière ou d'espace dans la Carmen imaginée par Nicolas Joël et ses habituels compagnons de route, le décorateur Ezio Frigerio, la costumière Franca Squarciapino, l'éclairagiste Vinicio Cheli, et déjà présentée aux toulousains en 1997 puis en 2007. Une étroite place de village coincée entre une austère façade d'église et une imposante tour, quelques tables dressées à la hâte dans une ruelle, à la pierre des murs répondant la roche des montagnes.

Comme chez Mérimée les décors sont oppressants, l'atmosphère lourde et les relations d’une extrême rudesse. Attirante par le subtil mélange de fierté et de provocation que dégage sa gitane, Anna Caterina Antonacci succède à Béatrice Uria-Monzon sur la scène du Capitole. Comme à Londres aux côtés de Jonas Kaufmann en 2006 (DVD Decca), la soprano italienne cisèle la partition, offrant au texte une attention de chaque instant et à la musique une précision constante. Unie, capiteuse et timbrée sur tout le registre, sa voix sert au mieux ce personnage de femme qui ne cherche pas à émouvoir, mais qui exprime ouvertement sa liberté, sans excès de sophistication, mais toujours avec sobriété et pertinence. Sa mort, inspirée de celle de Nadia jouée par Annie Girardot dans le film de Luchino Visconti « Rocco et ses frères », bras ouverts comme crucifiée avant de recevoir le coup fatal et de glisser très lentement à terre, restera gravée dans les mémoires.

Zoran Todorovitch possède une voix puissante, qu'il sait heureusement plier pour respecter les nuances, mais la raideur de son jeu et son interprétation à la psychologie simpliste n’en font pas un Don José exceptionnel. Angel Odena chante Escamillo avec une certaine exubérance, mais son timbre nasal et son accent espagnol prononcé le disqualifient. Musicienne soignée mais comédienne bien gauche, Inva Mula campe une Micaëla assez banale (avec jupe bleue et nattes tombantes), solidement secondée par François Lis (Zuniga), Francis Bouyer (Moralès) et les pétillantes Sophie Graf (Frasquita) et Blandine Staskiewicz (Mercédès).

Saluons enfin la très élégante direction de Daniele Callegari à la tête de l'Orchestre National du Capitole, dont l'admirable qualité sonore et les voluptueux accents ne se sont démentis à aucun moment, sans oublier les Choeurs magnifiquement préparés par Patrick Marie-Aubert.

Nicolas Joël a tenu à faire une apparition sur cette scène qu'il quittera prochainement pour l'Opéra National de Paris, afin de féliciter l’ensemble de la distribution.

François Lesueur

Bizet : Carmen - Théâtre du Capitole de Toulouse, 3 avril 2009 et les 5, 7, 10 et 12 avril

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Photo : Patrice Nin

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