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Christoph Eschenbach fête son 80e anniversaire à l’Orchestre de Paris – Déconcertant – Compte-rendu

Musicien reconnu par ses pairs, pianiste accompagnateur des plus grandes voix, Christoph Eschenbach (photo) demeure un chef d’orchestre paradoxal comme en témoigne le concert festif donné à l’occasion de son 80e anniversaire à la tête de l’Orchestre de Paris (dont il fut directeur musical entre 2000 et 2010).
 

Gil Shaham © DR

 Archet fluide mais sonorité plus mate qu’auparavant, le violoniste Gil Shaham, qui garde toute son aisance technique, parcourt le Concerto en mi mineur de Mendelssohn avec lyrisme et subtilité (les nuances, quasi immatérielles, de l’Andante !), lâchant la bride lors du final à la légèreté d’elfe. Il est dommage que le chef, cherchant midi à quatorze heures, découpe les séquences au risque de perdre de vue la continuité du discours. Au moment du bis, le soliste demande à Roland Daugareil – premier violon de l’Orchestre – de dialoguer avec lui dans la Gavotte de la Sonate n° 5 de Jean-Marie Leclair, interchangeant même les rôles pendant une exécution d’une belle finesse d’articulation.
 
Depuis Charles Munch, la Symphonie fantastique de Berlioz fait partie de l’ADN de la formation parisienne. Avec des interprètes qui connaissent cet ouvrage comme personne, le défi peut être relevé sans peine, mais Eschenbach se complaît, là encore, dans la dissection de la partition, multipliant les séquences. L'esthétisme finit par l’emporter sur la narration et, malgré des cordes soudées, de superbes bois, des percussions spectaculaires, des cuivres assurés, la dimension analytique trop poussée nuit à l’intensité (Rêveries et Passions) et le temps s’éternise (Scène aux champs), mais la flamboyance est pourtant de mise (Marche au supplice, Songe d’une nuit de Sabbat). A l’issue de ce concert en dents de scie, l’Orchestre célèbre l’anniversaire du maestro en entonnant le Greeting Prelude de Stravinski sous les applaudissements d’un public ravi auquel Eschenbach adresse en retour un « je vous aime ».
 

Michel Le Naour

 
Paris, Philharmonie, Grande Salle Pierre Boulez, 6 février 2020
 
Photo © Theobald

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