Journal
Anna Bolena de Donizetti à Liège – Proche du texte – compte-rendu
Remis à l’honneur en 1957 à La Scala de Milan par le génie dramatique de Maria Callas, l’opéra seria Anna Bolena (1830) constitue une étape importante dans l’évolution du langage dramatique de Donizetti. Le metteur en scène et directeur général de l’Opéra Royal de Liège-Wallonie, Stefano Mazzonis di Pralafera, a délibérément choisi de respecter à la lettre le cadre historique, de serrer au plus près la tragédie vécue par Anne Boleyn, victime expiatoire de la machination de son époux le roi Henri VIII. Aucune concession à la couleur locale mais un classicisme qui met davantage l’accent sur la caractérisation des personnages dans des décors d’époque fort réussis de Gary McCann et des superbes costumes de Fernand Ruiz aux étoffes soyeuses.
Sofia Soloviy (Giovanna Seymour) & Marko Mimica (Henri VIII) © Opéra Royal de Wallonie-Liège
Dans le rôle-titre, Olga Peretyatko, grands moyens vocaux et présence théâtrale, incarne avec autorité cette reine prise dans un étau fatal jusqu’à sa condamnation à l’échafaud. A l’aise dans un ambitus large où ses aigus projetés avec facilité ne sentent jamais l’effort, elle sait avec bonheur montrer la progression de l’état d’esprit du personnage qui passe du désespoir à la folie et atteint dans la scène finale une dimension quasi mystique. Sa rivale Giovanna Seymour chantée ici par Sofia Soloviy fait montre d’une belle expressivité malgré une tendance à forcer parfois la voix, et sa confrontation avec Anne Boleyn se révèle particulièrement intense. Marko Mimica peint un roi Henri VIII subtil et machiavélique, parvenant à rendre crédibles les grosses ficelles tendues pour prouver l’infidélité de son épouse. On le sent parfois pousser à l’extrême ses possibilités vocales mais il se montre d’une solidité à toute épreuve. En Lord Riccardo Percy (l’amant présumé d’Anne Boleyn), Celso Albelo possède souplesse et fluidité, alternant passion amoureuse et sincérité héroïque. Les personnages secondaires sont bien distribués avec le Smeton émouvant de Francesca Ascioti, rôle travesti, le Lord Rochefort profond de Luciano Montanaro, ou le Sir Hervey stylé de Maxime Melnik
A la tête de l’Orchestre de l’Opéra Royal, Giampaolo Bisanti (directeur musical du Théâtre de Bari depuis 2017), chef rompu à se répertoire, plus efficace qu’imaginatif, accentue les contrastes au détriment des nuances tout en ne commettant aucune faute de goût en particulier dans la conduite du rubato belcantiste. Les chœurs préparés par Pierre Iodice, très sollicités, manquent parfois de précision mais non d’engagement. Accueil enthousiaste du public liégeois et nombreux rappels pour une production fidèle à l’esprit de l’œuvre.
Michel Le Naour
Donizetti : Anna Bolena - Opéra Royal de Liège-Wallonie, 9 avril 2019 / www.operaliege.be/en/show/anna-bolena-anne-boleyn/
Photo © Opéra Royal de Wallonie-Liège
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