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Alexandre Bloch dirige la Symphonie « Des Mille » de Mahler – Montée en puissance – Compte-rendu

Avec la Huitième Symphonie (1906-1907), Alexandre Bloch et l’Orchestre national de Lille abordent la dernière ligne droite d’une intégrale mahlérienne commencée en février 2019. Rares sont les occasions offertes pour une écoute dans une salle de concert de cette œuvre monumentale d’une heure trente environ – dont le compositeur lui-même dirigea la création en septembre 1910 lors de l’Exposition Internationale de Munich. A l’Auditorium du Nouveau Siècle à Lille, les conditions acoustiques sont optimales. Outre les deux formations symphoniques (l’Orchestre de Picardie s’est joint à la phalange lilloise), huit solistes vocaux sont convoqués ainsi que trois chœurs et un orgue, soit au total trois cents exécutants.
 
Toujours aussi dynamique, gestique ample mais efficace, le chef s’engage sans économiser son énergie. Le résultat se situe à la hauteur des espérances en ce qui concerne la prestation des orchestres qui fusionnent sans rupture, conscients chacun de l’enjeu. Le Veni Creator et la scène finale du Second Faust de Goethe exigent une concentration qui ici ne se dément jamais. A l’évidence, Alexandre Bloch a cherché à clarifier le discours et à lui procurer un sens narratif qui, parfois, ne se distingue pas lors d’exécutions plus massives. Mahler, en fin connaisseur de l’orchestre, sait conduire les progressions jusqu’au climax, mais le reste du temps individualise les instruments comme s’il s’agissait de musique de chambre. La volonté du chef de mettre l’accent sur la dimension théâtrale – en particulier dans la deuxième partie faustienne où chaque chanteur fait son apparition successivement sur le plateau ou dans les cintres – relève quasiment d’une mise en espace.
 
La distribution vocale manque parfois d’homogénéité : le ténor Ric Furman force trop le ton, mais les sopranos Yitian Luan et Elena Gorshunova ainsi que la basse Sebastian Pilgrim tiennent bien leur rang dans la distribution des différents rôles. En nombre, les chœurs préparés par Gavin Carr en ce qui concerne les adultes du Philharmonia Chorus, ou par Pascale Dieval-Wils et Claudie Beghin pour les enfants du Jeune Chœur des Hauts-de-France et du Collège Carnot de Lille, contribuent à la réussite de la soirée. Le grand crescendo final qui synthétise les principaux thèmes envahit tout l’espace et apporte par son émotion un point d’orgue à la Symphonie n° 2 « Résurrection » créée quinze ans plus tôt. Après cet événement si abouti, on attend avec impatience la fin du cycle des Symphonies de Mahler qu’Alexandre Bloch clôturera par la Neuvième les 15 et 16 janvier prochains au Nouveau Siècle
 
 Michel Le Naour

Lille, Auditorium du Nouveau Siècle, 20 novembre 2019
 
Photo © Laura Baker

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