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Alexander Paley et ses amis au Festival Forgissimo - Ferveur schubertienne - Compte-rendu

Vieille histoire que la pratique de la musique de chambre pour Amiram Ganz et Alexander Paley(1) puisque la rencontre du violoniste et du pianiste date d’il y a trois bonnes décennies à l’époque de leurs études au Conservatoire Tchaïkovski de Moscou. C’est donc tout naturellement qu’A. Paley a entre autres fait appel à son ami violoniste pour le festival Schubert qu’il proposait, dans le cadre verdoyant du Domaine des Forges de la Vache, tout près de la Charité-sur-Loire. Un contexte rêvé – et une petite salle à l’acoustique idéale - pour une vraie fête chambriste, à la fois détendue, amicale, fervente et dont les deux concerts du samedi soulignaient le remarquable niveau musical.

Il n’a pas donné à tous les interprètes d’enchaîner les trois Sonatines pour violon et piano (avec toutes les reprises !) en maintenant constamment en éveil l’attention du public… Pas l’ombre d’un temps mort dans le propos de Ganz et Paley, qui savent restituer le caractère de ces compositions avec une étreignante poésie où, sous la fraîcheur juvénile, le drame point de manière souvent bouleversante (fabuleux Andante de la 1ère Sonatine !). Et que de justesse stylistique, d’irrésistible parfum viennois, trouve-t-on aussi sous cet archet comme dans ce piano fourmillant de couleurs. De style, de chic, le Rondo à quatre mains D. 608 n’en manque pas non plus, interprété avec gourmandise et rebond par A. Paley et son épouse Pei-Wen Chen.

Après cet intermède pianistique, c’est au tour de Nicolas Bone de rejoindre A. Paley dans la version pour alto et piano de la Sonate « Arpeggione ». L’altiste remplace en dernière minute son collègue David Gaillard, souffrant ; on est d’autant plus admiratif de la tenue et du lyrisme à fleur de peau de son approche. Le public en redemande et c’est la totalité du mouvement lent qui sera reprise en bis ! Infatigable, A. Paley se lance alors avec Amiram Ganz dans la Fantaisie en ut majeur D. 934. En parfaite entente, ils en soulignent l’incroyable foisonnement avec un engagement, une fièvre et des prises de risques qui in fine laissent l’auditoire à la fois un peu groggy et heureux d’avoir éprouvé un tel foisonnement d’idées et de musicalité.

Même bonheur du partage musical lors du concert du soir où, porté par l’imagination, la vitalité et le lyrisme d’A. Paley, Amiram Ganz transcende la Sonate en la majeur D 574 et le Rondo brillant D. 895. Quel art de respirer, de déployer la phrase ici, de le retenir là, avec un naturel absolu. Clou de la soirée, l’archi-célèbre Trio n°1 D. 898, pour lequel le violoncelliste Povilas Yasunskas a rejoint ses deux collègues, donne le sentiment de naître de l’imagination de ses interprètes. Il n’est pas tous les jours donné de goûter à pareille alliance de cœur, de liberté et de tact stylistique. Faut-il ajouter que l’on attend avec impatience l’édition 2013 du tout nouveau Festival Forgissimo ?

Alain Cochard

(1) Signalons aux amoureux de la musique de George Enesco le récent et magnifique enregistrement de ses oeuvres pour violon et piano par Amiram Ganz et Alexander Paley (1CD Saphir)

Raveau, Domaine des Forges de la Vache, 16 juin 2012

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Photo : DR
 

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