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31e Festival de La Roque d’Anthéron - Magie pianistique - Compte-rendu


« Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir » : le vers fameux de Baudelaire s’applique à l’atmosphère qui règne depuis trente et un ans au Festival de la Roque d’Anthéron. Aux valeurs pianistiques reconnues, adoubées par le public depuis de nombreuses années, se confrontent de nouveaux venus qui font parfois leurs premières armes.


Le pianiste d’origine coréenne Da Sol (en réalité Da Sol Kim, 21 ans) appartient à cette génération de prodiges dont on découvre les qualités (il a obtenu un 6ème Prix au Concours Reine Elisabeth l’an dernier). Son interprétation de la Sonatine de Ravel manque toutefois de simplicité. Dans Gaspard de la Nuit, il impressionne plus par sa virtuosité (Scarbo) que par le style, avec une tendance à se mirer dans Ondine. Volontiers narcissique dans les trois extraits des Années de Pèlerinage (Sposalizio, Sonnet de Pétrarque n°123, Après une lecture du Dante), il reste souvent à la surface du texte. Son toucher agile, véloce, fluide, peut néanmoins faire des miracles (Andaluza extraite des Danses espagnoles de Granados) et vaincre les difficultés de la Rhapsodie hongroise n°13 de Liszt.


Plus intérieure, l’Israélienne Einav Yarden (qui a suivi l’enseignement de Leon Fleisher aux Etats-Unis) signe un programme exigeant. Sa parfaite maîtrise technique et sa capacité à aborder intellectuellement les œuvres du programme souffrent toutefois d’une difficulté à pénétrer le romantisme, la poésie et les élans de la Fantaisie de Schumann. Plus à l’aise dans les haïkus bartokiens et weberniens que sont les huit extraits de Játékok de Kurtág ou dans le kaléidoscope des Bagatelles op 119 de Beethoven, elle fait preuve d’une rigueur un peu corsetée lors de l’exécution de la Sonate n°39 en ré majeur de Haydn.


Le lyrisme, la subtilité à fleur de peau sont l’apanage d’Adam Laloum (photo) (victorieux en 2009 au Concours Clara Haskil) qui, dans la Carte blanche que lui a confiée René Martin, se montre en totale connivence avec le Quatuor Modigliani (Quintette op 44 de Robert Schumann, Quintette op 34 de Brahms), au ton fébrile et expressif à souhait. Le récital qu’il donne ensuite la nuit tombée est une merveille de musicalité (Sonate n°15 D. 664 de Schubert), de ton juste dans la cyclothymique Humoresque de Schumann et de crépusculaire liberté (Fantaisien op 116 de Brahms). Les « berceuses de la douleur » se muent un rêve éveillé dont on ne sort pas indemne.
Un artiste avec lequel il faudra compter.


Accompagné par le chef japonais Michiyoshi Inoue à la tête de l’Orchestra Ensemble Kanazawa, très inégal, le subtil Abdel Rahman El Bacha sait, comme à l’habitude, tirer son épingle du jeu. Les Concertos pour piano et orchestre n°20 de Mozart et n°2 de Chopin possèdent une pureté de ligne, une finesse du trait d’un classicisme abouti.
Exubérant, Inoue (qui fut danseur avant d’être chef d’orchestre) manifeste un humour appuyé dans la Symphonie n°94 « La Surprise » de Haydn, mais parvient à freiner ses élans face à un soliste aussi raffiné.


Légende vivante, Aldo Ciccolini est, à bientôt 87 ans, un éternel jeune homme dès qu’il se met au piano. Il ne craint pas de se mesurer en une seule soirée au Concerto pour piano n°3 de Beethoven et au Concerto de Schumann, ce qui tient déjà de la gageure pour tout interprète confirmé ! A la clarté du discours, il associe un enthousiasme juvénile (Allegro vivace du Schumann), même si sa sonorité se fait plus mate avec le temps.
Après ces moments de bonheur, la Symphonie n°7 de Beethoven sous la baguette de Michiyoshi Inoue ne se situe pas sur les mêmes cimes (manque d’homogénéité des cordes et surtout de la petite harmonie).


De tels écueils ne risquent pas de se produire avec l’English Chamber Orchestra qui accompagne le lendemain Zhu Xiao-Mei. Rompue à un répertoire maintes fois remis sur le métier (Symphonie n°39 de Mozart, Concertos n°2 en ré majeur de Haydn et n°23 en la majeur de Mozart), cette formation paraît même en oublier la présence du jeune chef japonais Kazuki Yamada (vainqueur du Concours de Besançon en 2009) à la gestique très précise.
L’intensité du jeu de la soliste (Adagio du KV 488 de Mozart), la pureté irréelle de son approche privilégient la tendresse sur la vivacité et la tonicité. La recherche de dialogue, le naturel du phrasé délivrent un sentiment indicible. La magie opère à nouveau avec un bis (Allegretto final de la Sonate KV. 330) où l’émotion affleure.



Michel Le Naour

31e Festival International de piano de La Roque d’Anthéron – Parc du Château de Florans – Du 1er au 4 août 2011


31e Festival de la Roque d’Anthéron (jusqu’au 21 août) : www.festival-piano.com

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Photo : C. Gremiot

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