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Tristan Pfaff en récital au Château d’Arnouville - Fauré retrouve ses couleurs - Compte-rendu

Il est devenu si rare aujourd’hui de voir des projets culturels aboutir qu’il faut saluer la restauration réussie du piano que Gabriel Fauré jouait lorsqu’il était l’hôte du château d’Arnouville. Deux années et 30.000 euros plus tard, l’instrument a retrouvé toute sa voix comme on a pu le constater lors de l’audition qui a marqué sa réception dans le salon du château sous les doigts de son parrain le jeune pianiste Tristan Pfaff.

Les ateliers Nebout se sont pris au jeu et ont gagné leur pari de restituer la palette sonore du précieux témoin de ce temps révolu où l’on pratiquait la musique savante dans les salons bourgeois décrits par Marcel Proust : assis sur la netteté des basses, le medium est d’une poésie intense prolongée par les fusées vaporeuses d’aigus dignes de Manet. Car c’est bien là l’essentiel : non pas la puissance qui permet aux pianos modernes de passer la rampe d’auditoriums gigantesques, mais la couleur dont jouaient Debussy, Ravel à l’école des clavecinistes français, Fauré bien sûr, mais tout autant Chausson, d’Indy ou l’Auvergnat Chabrier.

Ce travail historique des restaurateurs se situe donc dans le droit fil de la démarche historiciste des « baroqueux » dont elle constitue l’aboutissement. Certes, des pianistes curieux et soucieux d’authenticité comme Alain Planès ont déjà cherché de ce côté-là et joué des instruments des années 1890-1900. Car cet art du pastel – art de salon par excellence ! – appartient aux compositeurs français de cette période d’avant 1914 : on perd l’essentiel du message sonore et surtout de la poésie de ces contemporains des peintres impressionnistes si on les joue sur les monstres froids de l’industrie mondialisée…

En tout cas, après avoir fait entendre des Nocturnes et autres Barcarolles de Fauré, l’heureux parrain Tristan Pfaff sait ce qui lui reste à faire : graver sur cet Erard qui a retrouvé son âme tout l’impressionnisme musical français. (1)

Jacques Doucelin

(1) C’est sur piano moderne en revanche que Tristan Pfaff a enregistré l’an dernier un beau programme Schubert (Wanderer Fantaisie, Sonate D. 894, Marche militaire) / Aparté - AP 065, dist. Harmonia Mundi

Château d’Arnouville 6 novembre

Site de Tristan Pfaff : www.tristanpfaff.fr

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Photo : DR
 

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