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« Resilient man, danser malgré tout », film de Stéphane Carrel – La [presque] chute d’une anatomie – Compte-rendu

 
C’est un homme superbe que l’Australien Steve McRae, étoile fameuse du Royal Ballet, et plus encore un danseur exceptionnel, dont les possibilités techniques surpassent peut-être même celles de Mikhaïl  Baryschnikov, malice glamoureuse en moins, quand on le voit bondir dans le ballet Rhapsody, fait en 1980 par Frederick Ashton pour le grand Russe. Mais hélas, un jour, en 2019, un tendon s’est déchiré en scène et il a fallu à l’artiste de 35 ans deux années pour revenir à son meilleur niveau, tout en s’étant étoffé, comme il le dit drôlement en réessayant ses pourpoints de prince romantique, qui craquent sous sa musculature.
 

Le désespoir, un travail d’enfer, le soutien sans faille de sa délicieuse épouse Elisabeth Harrod, ex soliste elle aussi du Royal ballet et de leurs adorables enfants, des professeurs, des amis, des maîtres tels la grande Lesley Collier, des coachs, qui l’ont porté, aiguillé, conseillé, retenu dans son désir d’en faire trop : telle est l’aventure que conte le metteur en scène Stéphane Carrel, toujours très attentif au monde de la danse, dans Resilient Man, film émouvant, un rien narcissique – mais quel danseur ne l’est – qui fait ressentir combien le choix du ballet classique est une folie furieuse, qui oblige à une vie insensée et ne peut se faire que dans une passion féroce.
 
Sans trop forcer sur les remises en train musculaires, avec tout de même quelques remarquables séquences de relevés d’orteils, le film montre surtout que finalement, tout est dans la tête du danseur, pour faire avancer la machine et la rendre expressive. Et l’on se réjouit de voir salué comme un miracle par le public, en 2021, le triomphal retour sur la scène du Royal Opera House du magnifique Steven McRae, lequel accomplit sous nos yeux un double prodige : celui d’avoir été, et d’avoir su recommencer. Leçon d’art, leçon de vie, leçon d’amour.
 
Jacqueline Thuilleux
 

Resilient Man, film de Stéphane Carrel. Sortie en salle le 17 avril 2024
 
Photo © Stéphane Carrel

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