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Reims - Compte-rendu : Un Voyage pétillant


Je ne vous raconterai pas d'histoire: le voyage à Reims en TGV est beaucoup plus court que l'opéra comique du même nom écrit par Gioachino Rossini en 1825 pour célébrer le couronnement du roi Charles X. Cela ne signifie nullement qu'on s'ennuie le moins du monde à cet ouvrage de circonstance tel qu'on a pu le découvrir au Théâtre de Reims d'où il va partir en tournée dans une cinquantaine de villes au cours des deux prochaines saisons.
Cru perdu et retrouvé par Alberto Zedda à la Fondation Rossini de Pesaro et défendu alors magistralement par le chef Claudio Abbado et le metteur en scène Luca Ronconi à travers toute l'Europe, ce Voyage à Reims est enfin arrivé à destination à l'initiative du Centre Français de Promotion Lyrique et de son président Raymond Duffaut. Il a fallu tout l'enthousiasme et la détermination de cet homme tout en rondeur pour persuader quinze de ses collègues français directeurs d'opéras plus un hongrois d'oeuvrer ensemble à une vaste coproduction du chef-d'oeuvre de Rossini.

De fait, presque tous se sont retrouvés au Théâtre de Reims pour le lancement de la tournée, ceux d'Avignon et de Marseille, de Nancy et de Toulouse, de Bordeaux et de Toulon... C'est que les décors ont été fabriqués à Marseille, les accessoires à Nice, les costumes à Marseille, à Avignon et à Toulouse, les perruques à Toulouse. Le résultat est impressionnant, à la mesure, en tout cas, du pari un peu fou des responsables du projet. Mais celui-ci a été sagement confié à deux Italiens, le chef Luciano Acocella et au jeune metteur en scène Nicola Berloffa, l'ancien assistant de Ronconi à Pesaro, qui n'ignorent rien des secrets du rire en musique cher au père du Barbier de Séville.

Résultat : un spectacle qui ne fait pas du tout « province », ni sur le plateau, ni dans la fosse, où officient avec un entrain communicatif les musiciens rémois. Les accents sont en place, les accélérations bien calibrées, la petite harmonie a du peps. Pour répondre aux nécessités de la tournée, les décors sont simples, mais soignés jusque dans leurs couleurs. Puisque le fameux voyage à Reims n'aura pas lieu faute de chevaux et qu'en conséquence les voyageurs tournent en rond, bloqués à Plombières dans l'Auberge du Lys d'or, le seul élément de décor mobile est une tournette qui ramène régulièrement à la même place bagages et propriétaires à la manière des tapis d'aéroport...

Comme dans le film L'Auberge rouge, l'action se résout à un huis-clos où les passions s'exacerbent en giclées de notes toutes plus vertigineuses les unes que les autres : du super-Rossini ! C'est là qu'on pouvait être légitimement inquiet. En vain, une bonne centaine d'auditions réparties sur plusieurs années ont permis de dénicher à travers le monde lyrique une trentaine de jeunes chanteurs d'une moyenne d'âge de 28 ans pour composer les deux distributions qui se préparent à alterner. Comme nous n'avons entendu que la première, par souci de justice, nous ne donnerons aucun nom.

Malgré les formations diverses comme les origines géographiques, européenne, américaine et extrème-orientale, toutes ces voix ont acquis un style à défaut de maîtriser toutes la langue de Dante. Mais l'envie de chanter est bien là. Plus encore, le désir de jouer la comédie. Et là, la direction d'acteur de Nicola Berloffa n'est jamais prise en défaut. Il tient magistralement son pari de situer l'action dans un palace des années 30, avec quelques morceaux de bravoure empruntant tantôt à la comédie musicale, tantôt au cinéma américain des années 40.
Les baignoires de Ronconi se sont muées chez le disciple en vélos d'appartement. De l'avantage de disposer de jeunes interprètes prêts à toutes les audaces. Ce Voyage à Reims n'engendre pas la mélancolie et vaut le détour s'il passe à proximité de chez vous. D'autant qu'au fil des représentations, les jeunes vont se libérer en s'appropriant encore plus leurs personnages.

Bon ...Voyage !

Jacques Doucelin

Théâtre de Reims, 3 octobre 2008

CALENDRIER DE LA TOURNEE :

Vichy, 11 octobre, Avignon, 26, 28 octobre, Massy, 7, 9 novembre, Montpellier, 24, 28 décembre 2008, 2, 4, 6 janvier 2009, Clermont-Ferrand, 10 janvier, Tours, 13, 15 février, Metz, 5, 7, 9 juin, Nancy, 4, 6, 7, 8, 9, 10 octobre, Toulon, 6, 8 novembre, Nice, 27, 29 novembre, Saint-Etienne, 27, 29, 31 janvier 2010, Toulouse, 19, 20, 21, 23, 24 février, Marseille, 11, 12, 13, 14 mars, Bordeaux, 26, 28, 29, 30 mars.

Voir la vidéo de la répétition générale

Photo : DR

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