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Marzena Diakun dirige l’Ensemble Intercontemporain – Abstractions sensibles – Compte-rendu

 

Kaija Saariaho, Michaël Levinas, Frédéric Durieux : le programme donné par l’Ensemble Intercontemporain associe trois personnalités dont la musique très écrite, appuyée sur une exploration réfléchie du son, atteint souvent une grande intensité d’émotion. Illustration absolue tout d’abord avec Couleurs du vent pour flûte alto de Kaija Saariaho (1952-2023), que la compositrice décrit comme une « improvisation » à partir de sa propre partition Cendres pour flûte alto, violoncelle et piano. Ainsi mise à nu – ce que souligne la scénographie plongeant la flûtiste Emmanuelle Ophèle dans un halo de lumière au cœur de la scène obscure – cette musique riche en modes de jeu donne une impression de nature, une apothéose du souffle, bouleversante et délicate.
 

Emmanuelle Ophèle © Anne-Elise Grosbois
 
Prenant le relais de la soliste, l’Ensemble Intercontemporain propose ensuite trois œuvres qui se situent elle aussi dans cet espace entre rigueur de l’écriture et poésie des sons. La cheffe invitée Marzena Diakun – dont ce sont les débuts à l’EIC – est impressionnante dans ce registre : une battue précise, engagée, qui laisse en même temps s’épanouir l’atmosphère et les images sonores, à commencer par les tremblements et l’instabilité sonore – « les larmes des sons » dit le compositeur – dans le captivant diptyque Les Voix ébranlées/Prière d’insérer de Michaël Levinas (né en 1949).
 

© Anne-Elise Grosbois

Revient ensuite la musique de Kaija Saariaho. Au début de Semafor pour huit instruments (2020), l’une des ultimes créations de la compositrice, la musique se fait moins enveloppante qu’habituellement ; c’est avant tout le rythme qui se fait ressentir, avant de se voir apaiser par les timbres. Là encore, le travail de Marzena Diakun est magnifique : elle conduit les transformations de la musique avec un naturel confondant. Elle restitue aussi la beauté des timbres, le formidable jeu d’ombres et de lumières de la dernière création au programme, Theater of Shadows II – in memoriam Christian Boltanski de Frédéric Durieux (né en 1959), où la vingtaine de musiciens de l’ensemble traduit avec force la mécanique onirique à l’œuvre tant chez le plasticien disparu en 2021 que chez le compositeur.
 
Jean-Guillaume Lebrun
 

Paris, Cité de la musique, salle des concerts, 21 mars 2024

 
Photo © Anne-Elise Grosbois

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