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La Force du destin à l’Opéra Bastille – Trio gagnant – Compte-rendu

 
Inutile de revenir sur cette production (signée Jean-Claude Auvray) squelettique, à la mise en scène erratique, aux décors affreux et aux éclairages blafards, découverte en 2011 et remontée en 2018. Le livret de La Forza del destino on le sait, est impossible, mais comment résister à la musique de Verdi qui d’un instant à l’autre exalte nos sens comme pour nous faire oublier quelques douloureux tunnels ?

La distribution réunie pour cette reprise est sans conteste la meilleure, car la plus harmonieuse. Bien qu’absente le soir de la première, Anna Netrebko se sera montrée fidèle à sa réputation trois soirs durant, laissant la place à l’Italienne Anna Pirozzi (photo) qui débutait sur la scène de l’Opéra de Paris. Verdienne accomplie (meilleure Abigaille de son temps), applaudie un peu partout en Europe, cette soprano dramatique aux agilités éprouvées a offert au public parisien un splendide portrait de Leonora. Projeté avec fierté et assurance, sans jamais forcer, l’instrument sait s’adapter à l’écriture accidentée de ce rôle de spinto sans attache belcantiste, qui alterne dans un même élan puissance et subtilité, éloquence et raffinement.
Engagée malgré l’absence totale de proposition scénique, Anna Pirozzi croit en son personnage et se laisse porter par la musique de Verdi qui, de la fragile « Pellegrina ed orfana », à la délicate « Vergine degli angeli » en passant par l’incontournable « Pace, pace mio dio », fait inexorablement subir à son héroïne le poids de sa destinée, jusqu’à sa mort annoncée, toutefois dans les bras de son unique amour…

Russell Thomas (Alvaro) & Ludovic Tézier (Carlo) © Charles Duprat — Opéra national de Paris

Débuts réussis également pour le ténor américain Russell Thomas qui compose un Alvaro déchiré, contraint au mensonge et à la dissimulation. Le timbre homogène sur toute la tessiture ne manque pas de singularité, le chant est soigné et la technique suffisamment aguerrie pour venir à bout de ce rôle éprouvant aux aigus constamment sollicités.
Sans surprise, Ludovic Tézier s’affirme comme le plus grand baryton Verdi de sa génération. Après Posa, Germont, Rigoletto, Di Luna, Amonasro et Simon sur cette scène – son Carlo témoigne d’une musicalité exceptionnelle, d’une puissance expressive et d’une plénitude sonore absolument somptueuses. En marge de ce magnifique trio, Nicola Alaimo campe un pétulant Fra Melitone, Ferruccio Furlanetto un Padre Guardiano aux moyens élimés et Elena Maximova une insupportable Preziosilla, sous la baguette convenable de Jader Bignamini. Notez que la reprise du Trouvère dans la mise en scène d’Àlex Ollé permettre retrouver Anna Pirozzi à la Bastille à partir du 21 janvier prochain. (1)

François Lesueur

 
 (1) Le Trouvère - Opéra Bastille, du 21 janvier au 17 février 2023 // bit.ly/3WP2xxP 

Verdi : La Force du destin – Paris, Opéra Bastille, 27 décembre ; dernière représentation le 30 décembre 2022 /www.operadeparis.fr
 
Photo © Charles Duprat — Opéra national de Paris

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