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La Boston Camerata au Festival Classique au Vert - Bienheureuse spontanéité - Compte-rendu



Bien des discophiles se souviennent: c'était l'âge d'or des disques Erato et la Boston Camerata faisait son entrée dans le concert des hautes époques, frayant des voies nouvelles dans des domaines jusque là pratiquement ignorés en Europe. De sa guitare, Joël Cohen veillait aux destinées du consort, avec à ses côtés, le soprano agile d'Anne Azéma, l'égérie française du groupe.

Des centaines de concerts furent ainsi donnés à travers le monde, imposant la formation dans un vaste répertoire du Moyen Age au Baroque jusqu'à la disparition d'Erato qui fut unanimement regrettée par les discophiles. Pour autant, la carrière de nos Bostoniens n'en continua pas moins aux Etats-Unis, toujours génératrice de programmes rares, mais de plus en plus à l'écoute des sources musicales de la jeune République, passé l'Acte d'Indépendance de 1776.



Et voici que les mêmes acteurs (à quelques noms près) étaient de retour ce week-end dernier à Paris pour deux concerts très attendus. Accueillie au Parc Floral de Paris par un public enthousiaste, cette Camerata nouvelle manière (Joël Cohen en a cédé la direction à Anne Azéma) s'est ouverte à de nouveaux thèmes qui tiennent dans un triple credo communautaire : union, liberté, égalité. Et, bien sûr, il y a l'imagerie des figures fondatrices (Washington, Jefferson ou Mother Ann Lee qui créa le mouvement irrédentiste des shakers), prétexte à une galerie de portraits miniatures, campés d'un trait assuré et portés par des mots simples et une humanité sans apprêts. Avec le salut à Lincoln, modèle qui vire au mythe en l'occurrence.



Mesuré à l'aune de la musique savante, ce répertoire de pionniers se dérobe, défiant toute tentative de classification, à l'écoute des folklores anglais, écossais, irlandais et autres et ayant pour fil conducteur l'écoute des sentiments premiers : la mort, la vie, la foi, le doute, etc. Un répertoire d'amateurs qui cependant surprend par son invention mélodique et rythmique et ses savoureuses harmonies.

De cette bienheureuse spontanéité, la Camerata n'est pas avare, portée par un bonheur dans le chant et le dire qui triomphe dans le style naïf des ballades et airs populaires où se mêlent les souvenirs de la polyphonie traditionnelle, revus par les éditions du XIXe siècle. Avec, cheminant comme un leitmotiv, l'espoir dans une vie future et un happy Land qui est au coeur des convictions réformées d'Outre-Atlantique et dont témoignent des recueils à succès comme L'American Vocalist de 1849.

Tel quel, le petit collectif y conte, ni plus, ni moins, la naissance d'une Nation et de sa musique, chacun(e) y avançant masqué, entre humour suggéré et réjouissante vocalité.



A ce petit jeu, tous les acteurs seraient à citer: et d'abord, les sopranos Anne Azéma et Susan Consoli au chant ailé (la première se révélant guide toujours avisé dans les choix expressifs de l'ensemble), mais aussi les ténors Timothy Leigh Evans et Daniel Hershey, diseurs aux bonnes manières imparables, le flûtiste et guitariste Jesse Lepkoff qui cache une évidente virtuosité sous une gestique un brin appliquée, et, last but not least, l'incontournable Joël Cohen qui, le lendemain, devait conduire un second concert aux résonances surtout spiritualistes.



Roger Tellart


Festival Classique au Vert - Parc floral de Paris, 27 août 2011

Site du Festival Classique au Vert (jusqu’au 25 septembre) : http://classiqueauvert.fr


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Photo : DR

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