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Hommage à Ibert et Auric au Studio Bastille - Poésie et piquant - Compte-rendu

Pianiste au sein de l’Orchestre de l’Opéra de Paris, Jean-Yves Sébillotte est un fervent avocat de la musique de Jacques Ibert (1890-1982) et a d’ailleurs signé un bel enregistrement dédié à l’auteur des Histoires (1). C’est tout naturellement donc qu’il a pris l’initiative d’un hommage à un merveilleux compositeur scandaleusement négligé en France – à l’exception des Escales, programmées de temps en temps. Hommage auquel a été rattaché Georges Auric (1899-1983), disparu un an après son collègue et qui fut, comme lui auparavant, Administrateur de la Réunion des Théâtres Lyrique Nationaux.(1)

Confiées à de remarquables souffleurs de l’Orchestre de l’Opéra (Olivier Rousset, hautbois ; Jérôme Verhaeghe, clarinette ; Ludovic Tissus, basson), les Cinq Pièces pour trio d’anches ouvrent le programme. L’art de miniaturiste d’Ibert resplendit, tantôt piquant, tantôt tendre et poétique, toujours parfait d’équilibre, de chic – pur bonheur que cette science des sons qui n’éprouve jamais le besoin de « se montrer »… On cède tout autant au charme de l’Aria pour hautbois, clarinette et piano que Rousset, Vehaeghe et Sébillotte abordent en ne perdant pas de vue l’origine d’une pièce initialement destinée à la voix. Morceau de résistance de ce « Jeudi de Bastille », les quatre Chansons de Don Quichotte montrent l’art de mélodiste d’Alexandre Duhamel – un artiste formé à l’Atelier Lyrique de l’Opéra entre 2009 et 2011. D’une voix ample, bien timbrée et avec une irréprochable diction, le baryton sert le recueil d’Ibert en vrai poète ; sensible, touchant, jamais emphatique. Le sens de la ponctuation du piano Jean-Yves Sébillotte l’aide grandement il est vrai - superbe Chanson de la mort !

Transition teintée d’exotisme, la réduction pour hautbois et piano (par l’auteur) de Tunis-Nefta ( n°2 des fameuses Escales) met en valeur la pureté et la souplesse de ligne d’Olivier Rousset et conduit au Trio pour hautbois, clarinette et basson d’Auric. Une partition de 1938, délicieusement acidulée, que les interprètes emportent avec la gourmandise, la gaîté et l’impeccable netteté des attaques requises. Une bonne humeur qui se prolonge en conclusion de concert avec une rareté : l’archi-célèbre Petit Âne Blanc (n°2 des Histoires pour piano) … dans une version pour voix et piano sur des vers de Pierre Lorys, que Jacques Ibert élabora en 1940 et que Jean-Yves Sébillotte a retrouvée chez l’éditeur Leduc. A l’âne le maïs, au muletier… le haschisch ! : Alexandre Duhamel se délecte d’un texte savoureux sur l’accompagnement idéalement suggestif de Jean-Yves Sébillotte.

Les « Jeudis de Bastille » n’ont pas fini de combler les férus de musique française : le 29 novembre (à 13h), Jeanne Lancien Mondon (violon), Fanny Baradeau (alto), Jean Ferry (violoncelle) et Sandra Westphal (piano) donneront un programme Castillon-Lekeu.

Alain Cochard

(1) De 1939 à 1978, la RTLN a assuré la gestion artistique et financière conjointe du Palais Garnier et de l’Opéra Comique. La suite est une autre histoire, comme chacun sait.

Paris, Studio Bastille, 8 novembre 2012

(1) 1 CD Skarbo

Photo DR ( Alexandre Duhamel et Jean-Yves Sébillotte)

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Photo : DR
 

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