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Compte-rendu : Paavo Järvi et l’Orchestre de Paris - Changement de cap

Pour sa prise de fonctions à l’Orchestre de Paris, Paavo Järvi n’a pas choisi la facilité. Le programme qu’il propose en ouverture de saison sort incontestablement des sentiers battus. La Péri (1912) de Paul Dukas, ballet dont on n’entend habituellement que la fanfare introductive, est suivie de la vaste symphonie dramatique de Jean Sibelius Kullervo (1892), œuvre dont il fallut attendre la création dans l’Hexagone en 1994 par Jacques Mercier et l’Orchestre d’Ile-de-France. Changement d’orientation donc par rapport au règne de son prédécesseur, Christoph Eschenbach, mais aussi changement de style. A l’expressionnisme pesant, souvent paroxystique voire démonstratif, du chef allemand, succède la baguette précise peu portée au pathos de l’Estonien. Une telle optique possède ses vertus, mais aussi ses limites dans une exécution de La Péri claire, mais d’une netteté trop franche où la splendeur symphonique l’emporte sur le geste chorégraphique. Toutefois, la qualité de l’orchestre (en particulier les bois) permet d’imaginer ce qu’un chef plus libéré sera en mesure d’apporter dans le répertoire français.

Le monumental Kullervo, partition de jeunesse de Sibelius où l’on pressent déjà en germe toute la production future du compositeur finlandais, convient mieux au tempérament de Paavo Järvi, maître de la structure, architecte d’une épopée légendaire au cœur de l’âme finnoise. Plus sensible à la construction qu’aux élans, cette interprétation ne cherche ni la couleur locale, ni l’expansion dramatique. Elle file droit mais possède une tenue d’ensemble qui ne se dément jamais tout au long des cinq parties narrant le destin tragique de Kullervo, héros du Kalevala.

Secondés par la puissance du Chœur national d’hommes d’Estonie et de celui de l’Orchestre de Paris, ainsi que par les interventions du baryton Juha Uusitalo - géant sorti de la Tétralogie - et de la soprano Soile Isokoski, au timbre subtil, les musiciens font corps avec un répertoire qui ne leur est pourtant pas familier. Cette vision plus cérébrale qu’instinctive, plus intellectuelle qu’affective, n’en possède pas moins une vraie grandeur qui laisse bien augurer de la future collaboration entre l’Orchestre de Paris et son nouveau directeur musical.

Michel Le Naour

Paris, salle Pleyel, 16 septembre 2010

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