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La Rondine de Puccini à la Scala de Milan – L’hirondelle est de retour – Compte-rendu

2024 célèbre Puccini. Que ce soit récemment à Lyon avec La Fille du Far West ou à Bordeaux avec La Bohème, ouvrage que l’on retrouvera bientôt (22-26 mai) à Montpellier, sous la direction du nouveau directeur musical, Roderick Cox, le nom du compositeur occupe l’affiche dans plusieurs maisons. L’Opéra de Paris reprendra d’ailleurs Madame Butterfly, dans la production de Robert Wilson, à la rentrée, avant de présenter au printemps 2025 Il Trittico, dans la régie de Christof Loy. Fière de son génial compatriote, l’Italie le met aussi à l’honneur, et de façon parfois originale. La Scala de Milan a ainsi choisi un titre bien moins couru que la célèbre Tosca : La Rondine (L’Hirondelle).

Créée le 27 mars 1917 à Monte-Carlo (en raison de la guerre qui faisait rage en Europe), La Rondine est une rareté délaissée par les programmateurs. Il est vrai que le livret de Giuseppe Adami n’est pas des plus ambitieux… Réalisation tardive (elle précède Il Trittico et l’ultime Turandot ), cette commedia lirica s’inspire des opérettes viennoises et met en scène l’amour entre la coquette Madga et le bourgeois Ruggero ; romance fragile et de courte durée. L’accueil fut mitigé lors de la création monégasque, au point de devoir attendre 1940 pour entendre pour la première fois l’ouvrage à la Scala - il fallut patienter jusqu’en 1994 pour qu’il y soit repris ...
 

© Brescia e Amisano - Teatro alla Scala

Trente ans plus tard, La Rondine revient, dans une production d’Irina Brook. La Franco-britannique fait le choix du théâtre dans le théâtre : l’acte I se situe sur une scène durant une répétition ; costumiers et techniciens évoluent pendant que Madga et ses amis discutent de l’insouciance de la vie et des rencontres légères, sous le regard du protecteur Rambaldo. Le procédé ne va pas sans quelques redondances, mais sied plutôt bien la Rondine.
Le café Bullier, à l’Acte II, laisse entrevoir le Paris mondain de la Belle Epoque. Des danseurs s’amusent dans des costumes absolument magnifiques (signés Patrick Kinmonth) avant que Magda ne tombe sous le charme de Ruggero. C’est plastiquement très beau. L’Acte III diffère par sa scénographie. Oubliés tréteaux et cintres, un long ponton s’avance dans la Méditerranée tandis que les vagues clapotent doucement. Les adieux des amants se feront en bermuda et panama.  
 

© Brescia e Amisano - Teatro alla Scala

Avec ces réminiscences dignes de Broadway, Irina Brook n’en oublie pas de sublimer les scènes plus intimistes, tel le duo d’amour à la fin de l’Acte II. On y on découvre le timbre généreux du ténor Matteo Lippi et l’on admire sa facilité à passer au-dessus de l’orchestre, sans forcer. La projection est subtile et directe. D’un soprano très clair, Rosalia Cid campe la servante Lisette avec un panache et un jeu fédérateur pour ses collègues. Le Prunier de Giovanni Sala fait un bon meneur de troupe mais déçoit par quelques fragilités (il sera plus en l’aise en seconde partie). Le reste de la distribution – Yvette (Aleksandrina Mihaylova), Bianca (Martina Russomanno), Suzy (Andrea Nino) et Rambaldo (Pietro Spagnoli) – est à saluer en tout point. Mais la vraie révélation reste bien sûr Mariangela Sicilia. Vocalement irréprochable, elle offre une Magda drôle et touchante à la fois et mérite amplement l’acclamation du public.
 

Riccardo Chailly © Concertgebouworkest 

Les forces vives de la Scala ont démontré encore une fois qu’elles ne sont en aucun cas des personnages secondaires. Le chœur, préparé par Alberto Malazzi, se révèle d’une homogénéité incomparable. Dans la fosse, l’orchestre rayonne sous la baguette de Riccardo Chailly. Les musiciens suivent attentivement le drame : cette histoire d’amour, ils la vivent eux aussi ! Musique et scène ne font qu’un. Les cordes sont brillantes et soyeuses. Le premier violon force l’admiration ; il magnifie la partition et y débusque quelques petits trésors.

Le maestro semble ravi, lançant lui-même la claque dès qu’il le peut. On en oublierait presque le feuilleton qui secoue l’institution milanaise depuis plusieurs mois avec le départ forcé en 2025, voulu par le gouvernement italien, du surintendant et du directeur musical …
Loin des scandales, la comédie lyrique de Puccini, relativement modeste par sa forme, illustre toute la singularité et la force de son auteur : la Rondine mérite de sortir, enfin, de sa volière …

 
Marion Guillemet
 

Puccini : La Bohème – Milan, Teatro alla Scala, 14 avril 2024 // www.teatroallascala.org

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Photo © Brescia e Amisano - Teatro alla Scala

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