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​Une interview de Benjamin Bernheim, ténor – « Je suis un réaliste cynique, qui préfère douter et au final, réussir."

Avec plusieurs prises de rôles importantes, des débuts dans de prestigieux théâtres et un premier album solo remarqué, sous étiquette DG, la carrière du ténor Benjamin Bernheim connait un très sérieux coup d’accélérateur. Ce Français établi en Suisse s’est d’abord fait connaître à l’étranger avant d’être enfin accueilli, comme il se doit, en France, avec un flamboyant Des Grieux à Bordeaux et à Paris notamment, où les projets s’enchaînent : après Rodolfo et Alfredo, il est attendu à partir du 29 février sur la scène de la Bastille, protagoniste d’une nouvelle production de la Manon de Massenet, mise en scène par Vincent Huguet et dirigés par Dan Ettinger, où il aura pour partenaire, comme en septembre dernier à Garnier, la soprano Pretty Yende. Le chanteur s’est longuement confié à Concerclassic.
 
 
Le moins que l’on puisse dire c’est que votre rentrée a été très chargée avec une nouvelle production de Traviata à Garnier, la parution du Faust version 1859 (Bru Zane/ Opéra Français) et votre premier album solo (DG) : quel bilan dressez-vous des quelques mois qui viennent de s’écouler ?
 
Benjamin BERNHEIM : Plus que sur les quelques mois qui viennent de s’écouler, je voudrais revenir sur l’ensemble de l'année 2019, qui a été formidable pour moi, car je l'ai commencée avec Traviata à Londres et à Milan : chanter Alfredo à la Scala a été une expérience extraordinaire. Ce n'est sans doute pas le plus grand rôle verdien, mais pouvoir le défendre dans le temple milanais a été très important pour moi. Même s’il s’agissait de la vieille production de Liliana Cavani qui a fait son temps, cela m’a permis de ressentir une atmosphère très particulière ; vous savez j'ai joué dans la Bohème conçue par Zeffirelli et je dois avouer que le fait de se replonger dans cet univers hyper traditionnel, qui suit à la lettre les souhaits de Puccini est loin d’être déplaisant.
 
Ces deux productions se sont avérées riches d’enseignements, même si je me suis mis beaucoup de pression certainement parce que je ne suis pas italien, ce qui n’a rien d’anodin, surtout à Milan, où la liste des ténors qui m'ont précédé a de quoi faire peur. Vous allez me dire que Marina Rebecca n’est pas italienne non plus, mais pour ce qui me concerne, chanter Alfredo avec un nom germanique était plutôt risqué, ce qui explique que j’étais attendu plus qu’un autre, surtout dans ce répertoire. Puis il y a eu Manon à Bordeaux, un grand moment, car travailler le rôle c'est une chose, mais le faire vivre sur scène en est une autre. La lecture d’Olivier Py était comme il fallait s’y attendre, particulière, mais j'avais vu beaucoup de ses mises en scène auparavant, surtout à Genève, notamment son Tannhäuser avec la fameuse apparition du hardeur et les anecdotes n’avaient pas manqué, surtout de la part du chœur !
Mais il y eut le Tristan qui reste pour moi un grand moment de théâtre. A Bordeaux nous avons travaillé avec son assistant et avons pu ajouter des choses à partir d’une trame très écrite, car Olivier a une grande connaissance de l'opéra et des voix. Pour mon premier contact avec Des Grieux c’était parfait. Et je dois dire que le public et la presse ont bien accueilli cette prise de rôle. Il s’agit pour moi d’une rencontre aussi déterminante que celle de Faust, autre rôle mythique mais pas facile à défendre, à la différence de Des Grieux qui est un véritable héros.
 

© Christoph Koestlin
 
Votre carrière n’a pas démarré en France, mais à l’étranger ; heureusement tout arrive et après des débuts à Garnier dans Capriccio (2016), dans Cléopâtre au TCE, suivis par un récital à Eléphant Paname et des débuts à l’Opéra Bastille dans une Bohème qui a beaucoup fait parler d’elle, vous voici enfin programmé et salué à Paris. Pensez-vous avec le recul que le fait d’avoir appris à être patient, à faire vos classes progressivement vous a été bénéfique ?
 
B.B. : Oui et non ! Je suis un chanteur français qui n'a pas étudié en France, qui n’a pas intégré le Conservatoire et pour ces raisons qui n’est pas du « sérail ». Avant cette Bohème et quelques concerts, personne ne m'attendait et on m'a clairement fait comprendre que je n'étais pas d'ici. On ne me pardonnait pas le fait d’avoir chanté ailleurs, avant Paris, comme à Salzbourg dès 2012, à Zürich ou à Amsterdam et finalement, je considère cela comme une chance, car je ne me suis pas retrouvé enfermé dans le circuit habituel du monde de l'opéra tel qu’il se pratique en France. J’ai bien sûr entendu à plusieurs reprises qu’on avait suffisamment de ténors, mais cette frustration ne m’a pas empêché de travailler très jeune en troupe à Zürich, tout en débutant en France timidement avec le Berger dans Œdipus Rex au TCE dès 2011 sous la direction de Gatti, ou personne ne m'a remarqué. Pendant ces années j'ai été en dehors de la France un jeune ténor dans un milieu où le répertoire français était rarement donné.
A Dresde, ou à Salzbourg, ce répertoire est quasi inexistant et quand ces opéras sont distribués les directeurs font toujours appel à des stars ; on ne donne pas ces rôles à des débutants. J'ai donc dû patienter lorsque j’étais en troupe à Zürich, que l’on me propose de petites rôles comme Cassio ou Narraboth, qui m’ont permis de faire mes armes et d’être secoué par un directeur  – qui occupe aujourd’hui un poste important en France – qui m'a exhorté à me bouger en me disant qu’avec la voix que j’avais, il fallait que je quitte la Suisse, alors que mon agent de l'époque n’avait pas beaucoup d’ambition pour moi. Alexander Pereira disposait des ténors les plus en vue, Grigolo, Camarena, Beczała, Kaufmann et n’allait pas prendre de risque et me confier des rôles de premier plan. J’ai cependant profité de la présence sur scène de ces grands noms, côtoyant régulièrement Thomas Hampson, ce qui n’a pas de prix et ce qui, artistiquement, m'a nourri. J’ai donc vécu des frustrations mais eu le bonheur de partager le plateau avec de très grands artistes et d’obtenir de bonnes critiques.
Lorsque je me suis décidé à me mettre un coup de pied aux fesses et à changer d’agent, les perspectives se sont comme par hasard élargies. Je vais peut-être vous surprendre, mais chanter pour moi est contre nature, car je suis quelqu’un de réservé, qui n’est pas doué pour se présenter devant un public ! Certes j’ai appris et me venge un peu parce que je me suis forgé une armure, mais je ne suis pas né dans la peau d’un showman. J'ai dû apprendre le métier car être ténor oblige à être souvent un amoureux transi ou un grand romantique, pour rendre son personnage touchant, ou tout simplement crédible.
 
Si vous avez appris à ronger votre frein, vous avez cependant réussi à vous faire connaître et à débuter dans ce répertoire de ténor lyrique qui est le vôtre et qui vous correspond : Elisir, Bohème, Faust, Traviata. Vous interprétiez justement Alfredo en début de saison dans la mise en scène de Simon Stone à Garnier, quelques mois après La Bohème vue par Claus Guth, pour lesquelles il vous a été demandé de ne pas révéler à l’avance la teneur. Est-ce quelque chose que vous comprenez, ce côté « Secret défense » est-il facile à garder et enfin dans quel état d’esprit pensez-vous reprendre cette production en mai?
 
B.B. : Il est préférable de garder pour soi ces mises en scène, pour plusieurs raisons. Le travail réalisé sur La Bohème ne s’est pas fait dans la joie, la période était difficile car nous avons dû chanter en compagnie d'une star, en l’occurrence Sonia Yoncheva, qui était malade. La pression autour de ce projet était forte, car il s’agissait d’une toute nouvelle Bohème et dans une ville comme Paris ce n'est pas un détail, c'est même risqué. Un an avant d’être sur le plateau de la Bastille, j'ai appris que l’action allait se dérouler dans l'espace, un concept total, pas très facile à défendre. Je n’en revenais pas, mais après la première je me suis fait prendre à partie dans la rue par des auditeurs qui m’avaient reconnu et m’invectivaient pour savoir pourquoi j’avais participé à une telle  « horreur ». J'ai dû à plusieurs reprises expliquer comment les choses se passaient à l’opéra, faire comprendre que nous ne sommes pas responsables des décors, des costumes et que nous sommes des interprètes, des instruments auxquels les metteurs en scène demandent d’obéir. J'ai tout de même apprécié le fait qu’une partie du public ait réagi ouvertement et de manière forte, cela a prouvé que l'opéra n'était pas mort. Entendre des gens hurler sur certains acteurs revêtus de scaphandres a montré que cet art ne devait pas rester aseptisé. Réagir est une attitude saine, car l’opéra doit être le miroir de la société, et le public a le droit de ne pas être satisfait. Huer les chanteurs n’a pas grand sens, mais huer le metteur en scène se comprend. Un mois après cette série de représentations, la direction de l’Opéra m’a demandé si j’acceptais de reprendre la production et j'ai donné mon accord car nous avions énormément travaillé et étions devenus très proches, techniciens, chanteurs et collègues. Cela me paraissait normal de ne pas rayer d’un trait tout cet investissement.
 
Pour la reprise de cette Bohème vous serez dirigé par le jeune et talentueux Lorenzo Viotti : le connaissez-vous et qu’attendez-vous du travail que vous allez pouvoir mener à ses côtés ?
 
B.B. : C'est un bon ami, je l'apprécie beaucoup, mais je sais déjà que nous aurons peu de temps pour travailler : nous serons trois ténors et autant de sopranos, réunis pour faciliter l’alternance et donc tout se passera dans l’urgence. C’est un peu le principe « à la viennoise », mais je sais que Lorenzo est quelqu’un de travailleur, qui ne laisse rien passer et nous nous entendons très bien : je me souviens d’une tournée avec l’Accademia de la Scala en 2017 où nous avons donné quatre concerts en quelques jours dans de vieux théâtres, sans climatisation, ce qui a eu pour effet de renforcer nos liens. Nous avons d’ailleurs de nombreux projets ensemble dans les années à venir.
 
Entre ces deux spectacles parisiens, vous retrouverez le personnage de Des Grieux dans Manon aux côtés de Pretty Yende, votre partenaire dans Traviata, et dont la mise en scène confiée à Vincent Huguet devrait vous reposer de ces dernières approches « révolutionnaires ». En règle générale, avez-vous le sentiment d’apprendre davantage de la vision d’un chef ou de celle d’un metteur en scène ?
 
B.B. : Vincent Huguet est, dans son approche, plus « ténor friendly » que beaucoup d’autres qui tiennent absolument à aller contre les traditions et avec lesquels nous devons parfois chanter contre un mur, derrière une colonne, ou simplement être mis à l’épreuve. Un équilibre est à trouver, car aujourd’hui les chanteurs sont des acteurs ce qui ne doit pas empêcher la discussion pour trouver des solutions. Vincent respecte les conventions du théâtre, pour que la voix porte, passe sur la scène, ce qui est rassurant. Je dois également essayer de vous répondre sans langue de bois : j'ai rencontré des metteurs en scène qui connaissaient parfois la partition mieux que certains chefs d’orchestre et vice versa, mais il ne faut pas oublier de préciser que nombre de reprises se font en l’absence de leurs créateurs d’origine. Aujourd’hui j'ai la chance de pouvoir développer des choses avec des metteurs en scène, de discuter en amont, de participer au processus de création, mais vous l’aurez compris ce n’est pas toujours les cas. Il faut rester humble et pratiquer la flexibilité.
 

© Christoph Koestlin
 
Vous avez eu la chance de participer à la résurrection du Faust de Gounod, en 2018 au théâtre des Champs-Elysées, lors de la soirée inaugurale du Festival Palazzetto Bru Zane. Pensez-vous et souhaitez-vous que cette version originale de 1859, assez différente de celle que nous connaissons, avec de nombreuses scènes inconnues et des dialogues parlés plus fournis, soit désormais proposée à la scène et qu’elle est celle que vous préférez aujourd’hui ?
 
B.B. : Honnêtement j'aimerais que cette version soit donnée régulièrement car elle comprend de très beaux passages musicaux, comme le duo entre Marguerite et Valentin qui est splendide. Pourquoi ne pourrions-nous pas le conserver ainsi que le second air de Valentin ? On pourrait mixer les deux, car dans l’original aussi le rôle de Siebel est bien plus étoffé, on comprend que c'est un élève du docteur Faust, ce qui n'est pas toujours lisible. Le texte parlé devrait bien sûr être dit par des chanteurs français et je pense que la scène de Walpurgis, trop souvent coupée, devrait être gardée. Les Contes d’Hoffmann devraient servir d’exemple, même si l’œuvre de Gounod n’a pas subi les mêmes déboires.
 
Difficile de ne pas faire allusion à la parution ce mois-ci de votre premier album chez DG (1) dans lequel vous avez entre autres enregistré l’air de Faust « Adieu demeure chaste et pure ». Dans ce type d’air très exposé, comment se sent-on lorsque l’on se retrouve face à micro dans les conditions d’un enregistrement ? Eprouve-t-on une solitude totale car le public est absent et que la salle ou le studio est froid, ou une impression de grand confort, car on pourra refaire la prise et obtenir le résultat escompté ?
 
B.B. : La chance que j'ai eue avant d'enregistrer ce premier album tient au fait que DG m’a laissé enregistrer le Faust avec le PBZ. J'ai ainsi pu aller dans le sens de la tradition du chant français en recourant à la voix mixte dans l’intégrale, sachant que dans l'album, plus grand public, j’allais pouvoir faire l'ut en voix de poitrine. J'ai également veillé à travailler des couleurs différentes dans chacun ; devoir réécouter ma voix, chose que je n'aime pas du tout faire, car j'entends alors tous les défauts et ne parviens jamais à être satisfait, s’est cependant avéré difficile. Mais j’ai été beaucoup aidé par ma coach, Carrie-Ann Matheson, pour que je ne voie pas l'album comme mon ennemi et que celui-ci ne manque pas de relief : ce qui explique que j'ai préféré laisser certaines choses que je considère comme pouvant être des défauts. Pour l’album, j'ai pris le risque de chanter des airs très connus à l’exception de celui du Dante de Godard, dans le but assumé de fournir une sorte de carte de visite et pouvoir enregistrer par la suite des programmes plus audacieux.
 
Les jeunes voix françaises ont rarement été aussi nombreuses et en particulier celles de ténor : Julien Behr, Thomas Bettinger, Sébastien Guèze, Cyril Dubois ... sont partout et l’on s’en réjouit. Pour autant, tous n’ont pas la chance d’être là au bon moment et par exemple de signer des contrats avec de grands labels discographiques. Comment avez-vous été repéré et approché par DG et imaginiez-vous rejoindre ce label historique ?
 
B.B. : La chance est liée au fait que je ne suis pas du sérail, encore une fois, car si j'avais été un ténor franco-français je n'aurais pas été abordé par DG, dont le quartier général est à Berlin et dont les responsables m'ont entendu sur place dans le grand répertoire. Il est vrai que j'avais dit un jour que si je devais signer avec un label, le faire avec DG serait un rêve, mais c'était totalement fou, surtout depuis plusieurs années et à l’heure où le cd ne se vend plus ! Aujourd'hui on s’occupe des voix comme s’il s’agissait de produits marketing et comme je ne peux me démarquer ni par mon physique, ni par le nombre de followers sur les réseaux sociaux, seule ma voix, mon phrasé et l’élégance de mon chant peuvent parler pour moi. J'ai été touché que cela ait été remarqué et que ma voix et mon identité artistique aient été jugées intéressantes : c'est flatteur. Je suis heureux et mesure la chance que j'ai, car Cecilia Bartoli avait été surprise d’apprendre qu’aucun label ne m’avait approché, à part Alain Lanceron à qui j’avais vaguement serré la main... Mon agent a finalement été mis en relation avec une personne de DG qui m'avait entendu à Vienne. Je ne m'y attendais pas du tout.
 

© Christoph Koestlin
 
Parmi cette jeune génération de ténors à laquelle vous appartenez, beaucoup ont une particularité : l’un chante la chanson française, l’autre l’opérette ou la création contemporaine. Quelle serait la vôtre ? Est-ce que votre invitation au Silent Greeen, lieu culturel alternatif de Berlin où vous allez vous produire avec un de vos collègues dans le cadre du Yellow Lounge de Deutsche Grammophon (2) qui cherche dixit « à sortir la musique classique des traditionnelles salles de concert vers des clubs branchés », est un signe de votre ouverture ?
 
B.B. : Oui peut-être ! Ce que propose Berlin est assez original et j’avoue que je suis assez content d’y participer : on m'a dit de m'habiller de façon assez décontractée. Si je me mettais à chanter de la variété, je suis certain que cela me décrédibiliserait, pourtant je ne serai pas contre le fait de chanter Piaf, Aznavour ou Brassens, mais je m’y refuse pour éviter que le monde de l'opéra ne me tombe dessus. Le seul qui ait résisté à cela c'est Roberto Alagna : il est indestructible. Pour le moment je vais rester sage et pour cette manifestation originale, me contenterai du répertoire lyrique. Nous chanterons quelques duos, Ildar Abradzakov et moi, puis plusieurs airs solo : au programme Lenski, Des Grieux, la « Furtiva lagrima » et un bis.
 
Vous venez d’aborder votre premier Duca di Mantova à Munich. Comment savez-vous qu’un un rôle est fait pour vous avant de l'avoir interprété sur scène ?
 
B.B. : Cela est toujours délicat car nous commençons à le savoir lorsque nous travaillons le rôle avec un pianiste, mais rien ne vaut la réaction du public pour être certain du résultat. Comme avec Nemorino ou Tamino à Vienne, je n’ai bénéficié pour Mantova que de quatre jours de répétition. Je suis rôdé à ces conditions qui vous poussent à sauter dans le vide et sans lesquelles nous ne nous sentirions pas, un tant soit peu, artiste. Pour moi ce personnage n'est pas celui d’un salaud, je le vois davantage comme un petit con, une tête à claques qui a été éduquée, mais qui n'est qu’un coureur de jupons, habitué à faire ce que bon lui semble, qui en joue et qui à la fin n'est même pas puni ; c'est terrible. J'aime l'aspect adolescent du rôle, le fait qu’il n'ait jamais appris les codes de la société et de la morale, peut-être parce qu’il n’a jamais eu de mère ? J’espère en tous les cas pouvoir y revenir rapidement et fréquemment pour approfondir sa psychologie.

Autrefois au temps où le disque était roi, certains artistes gravaient des rôles avant même de les étrenner sur scène, ou parfois ne jamais les aborder : qu’en pensez-vous et aimeriez-vous pouvoir procéder ainsi à votre tour?
 
B.B. : Aujourd'hui je ne suis pas sûr que cela me rendrait service, car si la version discographique était parfaite, j’aurais peur de ne pas pouvoir l’égaler. Le test de la scène est indispensable et vous voyez même si j’ai aimé enregistrer l’air de Rodolfo dans Luisa Miller pour mon album DG, je l’ai fait dans la perspective de l’aborder plus tard et parce que, justement, aujourd’hui je peux lui apporter une couleur plus douce, que je n'aurais sans doute plus dans cinq ou six ans…
 
Que peut-on vous souhaiter pour 2020 ?
 
B.B. : De garder la tête froide et les pieds sur terre, car c'est parfois le risque qui nous guette dans des moments comme ceux que je vis. Je suis très heureux de ce qui m’arrive, mais je sais que je dois poursuivre mon travail avec régularité et assiduité. Je voudrais pouvoir reprendre tous les rôles que j’ai abordé jusqu’à aujourd’hui et pour y parvenir, il me faut la santé. J’espère également conserver la part d’émerveillement que j'ai ressentie en étudiant des Grieux. Je préfère toujours me dire avant une prestation qu’il est possible que je me plante, plutôt que de croire que tout va forcément bien se passer : je suis un réaliste cynique, qui préfère douter et au final, réussir.
 
 Propos recueillis par François Lesueur, le 11 décembre 2019

(1)  Album d'airs d’opéras romantiques (Massenet, Donizetti, Gounod, Verdi, Tchaïkovski, Godard, Berlioz, Puccini) dirigés par Emmanuel Vuillaume à la tête du PKF - Prague Philharmonia 1CD 028948360789 (Enregistré à Prague en novembre 2019).

(2)  Gounod : Faust (version originale de 1859), dir. Christophe Rousset (Livre-3CD Bru Zane – Opéra Français)
 

(3) Concert donné le 16/12/2019

  
Massenet : Manon
Du 29 février au 10 avril 2020
(Benjamin Bernheim assure les représentations des 29 février, 4, 10, 17, 25, 31 et 3, 7 et 10 avril, en alternance avec Stephen Costello)
Paris – Opéra Bastille
www.concertclassic.com/concert/manon-0
 
Photo © Christoph Koestlin

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